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Recherche médicale : quand institutions publiques et mécènes se réunissent autour des chercheurs
Expertise
Recherche médicale et recherche de financements
La recherche est lente mais la lenteur du processus scientifique est, nous le savons, indispensable. Le développement d’un médicament pouvant prendre 12 ans avant sa mise sur le marché, le secteur de la recherche sait les investissements en temps et en argent qu’il faut pour y parvenir.
Malgré un budget national alloué à la recherche et à l’innovation en progression de 500 millions d’euros comparé à 2019[1], les moyens investis restent encore largement insuffisants. Aujourd’hui, l’Agence nationale de recherche (ANR) ne finance qu’entre 10 et 15 % seulement des projets soumis par les chercheurs et chercheuses.
Le coronavirus nous aura sans doute fait réaliser l’importance du financement de la recherche médicale. Certains considèrent même que les modalités de financement de la recherche comptent parmi les causes de la crise sanitaire. A ce sujet, on peut relire le texte de Bruno Canard[2], directeur de recherche au CNRS et spécialiste des virus à ARN dont font partie les coronavirus, qui avait beaucoup circulé au printemps dernier.
L'exemple de l'Institut Pasteur
Les chercheurs et chercheuses de l’Institut Pasteur ont été les premiers à séquencer le génome du virus dans le monde afin de mieux le comprendre. Ils se sont mobilisés jour et nuit pour trouver de nouvelles solutions médicales, en préventif ou en curatif, contre le virus. En 2019, les ressources de l’Institut Pasteur proviennent à 42,9 % (soit 127,7 millions d’euros) de la collecte auprès du public et à 5,1 % (soit 15,3 millions d’euros) d’autres fonds privés. L’autre moitié de ses ressources provient des subventions publiques et de quelques ressources propres. On mesure donc déjà l’importance du mécénat des individus dans le modèle financier d’une telle organisation.
Centre de recherche biomédicale et fondation habilitée à recevoir dons et legs, l’Institut Pasteur a été l’une des trois parties prenantes de l’initiative « Tous unis contre le virus » aux côtés de la Fondation de France et de la Fondation AP-HP. La collecte a permis de rassembler 40 millions d’euros, dont 52 % issus du mécénat d’entreprise (représentant plus de 500 entreprises). Le 9 octobre dernier, le géant du luxe LVMH faisait un don de 5 millions d’euros à l’Institut Pasteur de Lille afin de permettre un essai clinique dans la recherche anti-covid. L’Institut Pasteur de Lille investit chaque année 17 millions d’euros en recherche grâce aux dons, legs et mécénat d’entreprise. Que serait la recherche médicale sans ses mécènes ?
Face à l’insuffisance des financements publics, le rôle des mécènes et des porteurs de projets a beaucoup augmenté ces dernières décennies, prenant la forme de financements sur plusieurs années aux équipes de recherche, de soutien à des projets spécifiques ou d’une prise en charge des rémunérations de jeunes chercheurs et chercheuses. Le monde de la recherche voit souvent arriver d’un bon œil des financements privés parfois accompagnés de contreparties de visibilité quand ils mesurent le temps passé à compléter les demandes de financements publics. Grâce à ces dons, le financement de la recherche médicale se maintient à flots et contribue à la réalisation d’avancées majeures. Aujourd’hui, on compte par exemple plus de 120 fondations mobilisées pour encourager la recherche médicale.
Une meilleure santé pour tous : les mécènes investis dans la recherche médicale
Ces mécènes, comme Sanofi, s’associent parfois à des établissements spécialisés dans la recherche médicale, comme l’incarnent les prix Sanofi-Institut Pasteur qui récompensent des chercheurs et chercheuses pour leurs travaux innovants notamment dans la recherche biomédicale. Pendant la crise, Sanofi a d’ailleurs renforcé son partenariat avec l’AP-HP sur 3 volets : via la création d’un fond d’amorçage pour le financement de projets de recherche ; via une coopération accrue avec leurs partenaires et les acteurs publics et privés, afin de conforter la dynamique des équipes médicales et scientifiques ; et via un pilotage stratégique et conjoint des projets issus des équipes pour garantir des délais rapides pour le lancement d’essais cliniques.
D’autres mécènes sont issus de laboratoires médicaux. Par exemple, depuis 2017, ce sont 10 millions d'euros qui sont affectés aux avancées de la recherche médicale par le biais du fonds de dotation Janssen Horizon (créé par le groupe pharmaceutique Janssen, filiale de Johnson & Johnson). Ce fonds a pour vocation de soutenir les chercheurs basés en France et soutient la recherche translationnelle dans les champs de l’oncologie, des hémopathies malignes, des maladies auto-immunes, de l’infectiologie et des neurosciences. Cette recherche a pour objectif d’accélérer la valorisation d’une découverte scientifique et de développer des applications rapides et concrètes.
Grand mécène de la recherche, le Fonds AXA pour la Recherche finance notamment la santé parmi d’autres secteurs et a engagé plus de 250 millions d’euros en 13 ans d’existence et soutenu plus de 450 projets de recherche dans 36 pays dans le monde. Parmi les sujets traités, certaines thématiques ressortent davantage dans le contexte actuel : prévention des risques sanitaires et des pandémies, détection et traitement des maladies chroniques, longévité et bien-être, etc. Un autre acteur issu du secteur des assurances investi dans le domaine de la recherche médicale est la Fondation Groupama qui lutte depuis 20 ans pour vaincre les maladies rares par un soutien ponctuel à des projets spécifiques de recherches, en collaboration avec des Centres Hospitaliers Universitaires et des Instituts spécialisés dans la recherche médicale. 35 chercheurs ont ainsi bénéficié de son aide par le biais du Prix de Recherche Maladies Rares dotée de 500 000 € qui finance une équipe de chercheurs et chercheuses pendant 5 ans. Elle entretient des partenariats avec des Centres experts ou unités de recherche régionaux, comme les CHU de Rennes, Toulouse-Purpan, Angers et Montpellier.
Le mécénat collectif, levier pour fédérer petits et grands acteurs autour de la recherche médicale
Au printemps, des entreprises de toutes tailles basées sur un territoire ont pu, via un maillage territorial actif, se fédérer autour d’initiatives permettant le financement de la recherche médicale. Ainsi les salariés et entreprises du Grand Ouest ont organisé une collecte, CHU’i solidaire[3], par le biais de la plateforme HelloAsso. L’objectif ? Faire avancer les projets de recherche pour mieux connaître le virus, ses mécanismes de propagation (en particulier chez les populations fragiles). 130 000 euros ont été rassemblés par plus de 60 entreprises de la région afin de financer une étude nationale pour comprendre le pronostic défavorable des personnes diabétiques face au virus, un essai thérapeutique et des biocollections.
Le mécénat dans le champ de la recherche médicale se caractérise donc par des partenariats public-privés particulièrement resserrés. Toutes ces entreprises participent fortement à l’innovation et au progrès dans les domaines de la santé, des médicaments innovants ou des bio-industries, des secteurs encore trop peu reconnus par les pouvoirs publics comme filière stratégique.
Julie Bourdel
Responsable dévelopement & événements
[3] https://www.helloasso.com/associations/fonds-de-dotation-du-chu-de-nantes/collectes/tous-solidaire-avec-le-chu-de-nantes
> Retrouvez le premier article de ce dossier : « Le virus de l'engagement : le mécénat face à la crise sanitaire »
> Etude Covid-19 : Premiers impacts sur l’engagement des mécènes (Admical / juin 2020)
> Retrouvez la liste des entreprises engagées contre la crise sanitaire ici