Mécénat et CVAE : le Conseil d’Etat pose finalement le principe de la déductibilité des dépenses courantes de mécénat de la valeur ajoutée
Statuant sur une question très controversée, le Conseil d’Etat pose désormais le principe que les dépenses courantes de mécénat comptabilisées en charges d’exploitations sont déductibles de la valeur ajoutée retenue en matière de taxe professionnelle et aujourd’hui de CVAE.
- L’affirmation du principe de déductibilité des dépenses courantes de mécénat de la valeur ajoutée en matière de taxe professionnelle :
Dans un arrêt rendu en matière de taxe professionnelle*, le Conseil d'État avait d’abord refusé la déduction des dépenses de mécénat du calcul de la valeur ajoutée. En effet, les juges du Palais Royal avaient alors estimé qu’eu égard à la nature des dépenses qu’une société soutenait avoir engagées au titre du mécénat, et quel que soit le compte dans lequel elles avaient été enregistrées, les sommes correspondantes ne pouvaient pas être déduites de la valeur ajoutée à prendre en compte pour le calcul du plafonnement de taxe professionnelle prévu par l’article 1647 B sexies du CGI.
Seulement, le Conseil d’État, sans infirmer l’arrêt d’appel**, se référait à la nature des dépenses, indépendamment de leur traitement comptable, ce qui laissait penser qu’il s’agissait d’un arrêt d’espèce ne tranchant pas la question générale de principe de la déductibilité des dépenses de mécénat.
Une nouvelle décision récente du Conseil d’État*** en date du 9 mai dernier, a permis de trancher sur la nature intrinsèque (dons ou non) des dépenses engagées, sur l’existence ou non d’une contrepartie en cas de dons et sur la justification de la comptabilisation en charges d’exploitation ou exceptionnelles selon le caractère récurrent ou non de ces dépenses.
En effet, les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent être comptabilisées en charges exceptionnelles (compte 6713 : dons, libéralités) lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise. Elles doivent être comptabilisées en charges d'exploitation (compte 6238 : divers, pourboires, dons courants…) dans le cas contraire.
En application du principe de connexion entre la comptabilité et la fiscalité, des dépenses courantes de mécénat comptabilisées en charges d’exploitation sont donc déductibles de la valeur ajoutée servant d’assiette à la cotisation minimale de taxe professionnelle, sans qu’il y ait lieu de rechercher si elles présentent ou non une contrepartie.
Cette épineuse question se posait également en matière de CVAE**** (qui prend en compte la valeur ajoutée même si quelque peu différente).
- Un principe de portée générale transposable à la CVAE :
La CVAE est due par les personnes physiques ou morales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros. Égale à, en principe, 1,5% de la valeur ajoutée réalisée pendant la période de référence, cette cotisation est dégrevée partiellement pour les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes n’excède pas 50 millions d’euros.
Depuis plusieurs années, l’administration fiscale s’est mise en tête de rejeter les dépenses de mécénat de la valeur ajoutée (et par conséquent de rehausser les montants de CVAE) aux motifs d’une part que ces dépenses constituent des charges exceptionnelles et d’autre part que n’ayant par définition pas de contrepartie, elles ne peuvent en tout état de cause figurer dans les charges d’exploitation de la société.
Cette décision du 9 mai dernier en matière de taxe professionnelle a été rendue par le Conseil d’Etat en formation de plénière fiscale. Aussi, on peut considérer que celle-ci a une portée générale et qu’elle est donc transposable dans son principe à la CVAE.
Le Conseil d’État prend néanmoins soin de préciser que doivent être considérées comme exceptionnelles (cf supra), et donc exclues de la CVAE. En revanche, une entreprise qui pratique le mécénat de manière habituelle pourra désormais classer les charges correspondantes en charges d’exploitation et ainsi réduire le montant de la valeur ajoutée servant de base à la CVAE.
Les entreprises disposent désormais d’un recours pour se faire rembourser les excédents de CVAE. En effet, les entreprises qui jusque-là comptabilisaient les dépenses récurrentes de mécénat en charges exceptionnelles ou qui, les comptabilisant en charges d’exploitation, ne les déduisaient néanmoins pas de la valeur ajoutée soumise à la CVAE, peuvent former réclamation au titre de la CVAE 2016 jusqu’au 31 décembre 2018.
*CE, 9e, 10e ch. réunies, 21/04/2017, n°398246.
**CAA Versailles 25-1-2016, n° 13VE03773 (BF 5/16 inf. 440)
***CE, 3e, 8e, 9e, et 10e ch. réunies, 9/5/2018, n°388209.
****Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises