|    13 Janvier 2023

Focus sur l'entretien de relations privilégiées des associations avec des entreprises 

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par une décision du 10 janvier 2023, a eu l'occasion de rappeler que l'administration fiscale peut refuser à une association d'émettre des reçus fiscaux au seul motif que celle-ci entretient des relations privilégiées avec des sociétés du secteur lucratif. Cette décision est l’occasion de faire le point sur les contours de ces relations privilégiées et le faisceau d’indices mis en place par la jurisprudence pour les qualifier. 

 

Les faits 

Une association a été créée afin de répondre à un appel à projet dédié à l'émergence de projets urbains innovants, lancé par deux ministères. Lauréate de cet appel à projet, l'association est présidée par une société en consortium avec de nombreuses autres entreprises. Afin de sécuriser ses opérations, l’association dépose en 2018 une demande de rescrit mécénat auprès de l’administration fiscale. 

 

A titre de rappel, un rescrit mécénat est une demande adressée à l’administration fiscale la priant de prendre position sur l’éligibilité ou non de la structure et de ses activités au mécénat. Un document pédagogique expliquant en détail la procédure de rescrit, ainsi que ses risques et ses avantages, est tenu à la disposition des adhérents Admical sur simple demande 

 

A la suite de l’examen de la demande, l'administration estime que l'activité de l'association n'est pas éligible au bénéfice du dispositif de mécénat prévu par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts. Elle ne pourra donc pas émettre des reçus fiscaux. Pour rejeter la demande de rescrit, l’administration estime notamment que « l’association entretient des relations privilégiées avec des sociétés du secteur lucratif, quand bien même elle ne recherche pas de profit pour elle-même. »  

 

L’association demande alors un nouvel examen de sa demande de rescrit. L’administration maintient toutefois son interprétation, émettant une fois encore une réponse négative à la demande de rescrit. Le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine se prononce également contre l’application du dispositif de mécénat à l’association. La décision est donc attaquée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.  

 

Selon la société fondatrice qui représente l'association, cette dernière doit « être considérée comme une association exerçant une activité non lucrative, dès lors que sa gestion est désintéressée, que son activité ne concurrence pas le secteur commercial et les entreprises membres de l'association ne recherchent pas la réalisation de profits mais participent à une mission d'intérêt général » 

 

La décision  

 

Dans sa décision du 10 janvier 2023, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en a cependant jugé autrement. En effet, il relève plusieurs indices démontrant l’existence d’une relation privilégiée entre l’association et les entreprises en question :  

 

  • D'une part, une partie des dons reçus par l’association avaient pour vocation d’être reversée aux entreprises adhérentes, « en vue de compenser les dépenses qu’elles ont engagées pour les travaux d’études et de recherche menés dans le cadre de l’activité de l’association. »  

 

  • D'autre part, quand bien même l’association a pour objet principal de faire émerger des projets innovants, les entreprises membres de l’association peuvent bénéficier directement des ressources de l’association puisqu’elles sont « susceptibles de se porter candidates pour la réalisation de ces projets et ainsi bénéficier de ressources inhérentes à leur réalisation ». 

 

Au regard de ces éléments, le tribunal affirme que l’association entretient des relations privilégiées avec des sociétés du secteur lucratif, et ce alors même que les projets sont soumis à appel d’offres. Ainsi, l’administration est fondée, pour ce seul motif, à refuser à l’association la possibilité d’émettre des reçus fiscaux.  

 

Rappel des règles 

 

Comme cela a pu être rappelé par Bercy dans une réponse ministérielle de 2017, la relation privilégiée avec les entreprises, définie conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, s'apprécie au regard du fonctionnement global de l'organisme et traduit le souci d'éviter les distorsions de concurrence à raison du régime fiscal entre forme associative et organismes lucratifs. 

 

Ainsi, même lorsqu'une association remplit l'ensemble des critères de non-lucrativité (BOI-IS-CHAMP-10-50-10-10, I, §30 et suivants), celle-ci peut toutefois présenter un caractère lucratif si elle a pour objet de fournir des services aux entreprises qui en sont membres, dans l’intérêt de ces dernières. En effet, si l'objet de l'association permet le développement de l'activité de ses membres, la nature de l'activité revêt alors un caractère lucratif.  

 

La jurisprudence parle de « prolongement de l'activité commerciale des membres » ou de « lucrativité par contamination ». Cette qualification a notamment été retenue dans une décision récente du Conseil d'Etat en date du 17 octobre 2022, où il a été jugé qu’une association, qui a pour objet de faciliter l’exploitation commerciale de ses membres doit être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), quand bien même elle ne cherche pas à réaliser de profits pour elle-même. En offrant un avantage concurrentiel à son partenaire économique dans le cadre d'une relation privilégiée, l'activité de l'association a bien un caractère lucratif.  

 

Cette « relation privilégiée » signifie que l'action de l'association permet, de manière directe, de diminuer les charges ou d'accroître les produits des entreprises concernées. Le Ministère de l’économie et des finances a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler qu’il est « paradoxal qu'une association créée par des entreprises pour améliorer, par ses prestations, leurs conditions d'exploitation, puisse être qualifiée de non lucrative ou d'étrangère au secteur commercial. » 

 

En définitive, l'association qui entretient des relations privilégiées avec des entreprises qui en retirent un avantage concurrentiel présente un caractère lucratif et cela suffit pour rendre impossible l’émission de reçus fiscaux 

 

La jurisprudence a notamment considéré les actions suivantes comme présentant un caractère lucratif pour des associations  

 

  

Pour en savoir plus 

 

 

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