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[Dossier Réfugiés] Se mobiliser autrement vers l'action solidaire
Expertise
Trouver la réponse adaptée à une situation complexe
Paradoxe ? Le drame des réfugiés fuyant les guerres et la pauvreté est de plus en plus visible, jusque au cœur de nos villes, mais les fondations d’entreprises peinent à trouver la manière efficace et durable d’y répondre globalement. « Nous faisons un travail de dentelière », résume un des acteurs associatifs les plus impliqués, confirmant un sentiment d’impuissance partagé par de nombreux acteurs de terrain. Chaque réfugié, homme isolé ou membre d’une famille nombreuse, porte sa propre histoire, sa souffrance et son espérance, qui conditionnent, au-delà de l’urgence, la manière de lui ouvrir le chemin de l’intégration sociale. D’où la difficulté d’apporter une réponse simple et mesurable à une question qui ne cesse de se complexifier. Et partant, la nécessité d’innover, au plus près du terrain.
Dans un premier temps, les fondations d’entreprise ont fait appel à leurs partenaires traditionnels pour accompagner la réponse d’urgence, à la lisière des pays en guerre, tout au long des trajets empruntés par les réfugiés ou en France. Très vite, elles ont souhaité se concerter, de manière informelle ou à l’invitation d’institutions, pour partager questions globales et réponses individuelles. Et progressivement, des projets communs ont émergé, autour d’actions innovantes, dédiées à des groupes restreints mais appelées à devenir exemplaires. Pour en inspirer d’autres…
Construire à plusieurs des programmes d’aide aux réfugiés
C’est ainsi que les Fondations Accenture et Total se sont retrouvées aux côtés de Simplon.co et Singa, deux acteurs associatifs qui ont conçu et développent ensemble Refugeeks, un programme de formation d’une quarantaine de réfugiés au métier de développeur web.
Accenture mène depuis 5 ans des actions en faveur des réfugiés aux Pays-Bas. La Fondation Accenture a décidé de s’investir, en France, pour la formation aux métiers et techniques du numérique des publics migrants, demandeurs d'asile et réfugiés statutaires. Cette initiative s’inscrit dans le cadre du programme « Skills to Succeed / Des compétences pour réussir », qui a pour objectif d’accompagner 3 millions de personnes dans le monde vers l’emploi et l’entreprenariat d’ici 2020. Le programme Refugeeks répond parfaitement à cet enjeu et Accenture a choisi de le soutenir par un soutien financier et en compétences pour des simulations d’entretiens RH et d’études de cas client.
De son côté, Total, partenaire de « la France s’engage », a souhaité, dans ce cadre, encourager le rapprochement de lauréats de ce programme innovant, dédié à l’innovation sociale, autour des réfugiés. Simplon.co et Singa, lauréats de la France s’engage, et spécialisés l’un dans la formation aux métiers du numérique et l’autre, dans l’accueil des réfugiés, ont proposé un programme commun, liant leurs deux expertises.
Faire émerger Refugeeks, programme de formation de six mois au métier –en tension- de développeur web, a demandé beaucoup de travail, de moyens et de partenaires. Il fallait adapter l’ingénierie de formation à des étudiants non francophones, de formation initiale et de parcours professionnels très différents, identifier les candidats, évaluer leur capacité à réussir, recruter les formateurs et accompagnateurs et aussi, et surtout, sécuriser l’après-formation, le travail en entreprise. L’idée, née à l’automne 2015, a pris forme en février 2016 et dès mars, une première promotion de 14 “apprenants” a entrepris sa formation qui sera suivie en novembre d’une seconde promotion dédiée à des personnes réfugiées. De plus, dès septembre 2016, Simplon mixe ses publics en accueillant 5 personnes réfugiées au sein d'une promotion "classique" de 25 « apprenants » Simplon.
Au départ deux modalités de soutien différentes – un financement en amont, pour Total, et pour Accenture, une intention de recrutement des Simploniens formés au développement web à l’issue de ce parcours unique en France - les deux fondations inventent aujourd’hui des manières d’aller plus loin : visites conjointes aux étudiants, événements culturels partagés, recherche d’autres partenaires, préparation du coaching des diplômés par des cadres de l’entreprise… En attendant de tirer ensemble, avec les deux associations, les leçons d’une première expérience, et d’inviter d’autres acteurs à rejoindre le mouvement.
Quarante individus d’un côté, des dizaines de milliers d’autres par ailleurs…Dérisoire, si on s’en tient aux chiffres, ce programme illustre cependant le mouvement qui traverse et irrigue le domaine de l’action solidaire. Acteurs sociaux, bailleurs de fonds, institutions, pouvoirs publics sortent de leurs sentiers battus, de leurs modes d’action et de leurs schémas traditionnels et rassurants pour explorer ensemble des voies nouvelles. Plus humbles, plus professionnelles, plus profondément généreuses. Abandonnant nos certitudes, nous apprivoisons le doute qui forgera nos convictions.
Tribune co-rédigée par Catherine Ferrant, déléguée générale de la Fondation Total
et Bernard Le Masson, président de la Fondation Accenture
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