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Un petit nouveau dans le financement social : les social impact bonds

Expertise

Le traitement des problèmes sociaux connaît actuellement une révolution à l’échelle mondiale. De nouveaux outils de finance sociale conçus pour aider les services publics à améliorer leurs prestations se développent aujourd’hui. Parmi eux, les Social Impact Bonds (SIB), « obligations à impact social » aussi connu sous le nom de « Pay for Success Bond » ou « Social Benefit Bond ». Nés en Angleterre, ils s’exportent aujourd’hui aux Etats-Unis et en Australie. Que représente ce nouveau mode de financement venu tout droit des pays anglo-saxons et comment fonctionne-t-il ? Qu’en retire-t-on ?

« Les Social Impact Bonds sont une forme non traditionnelle d’obligations émises par l’Etat sans taux d’intérêt fixe mais sur une période prédéterminée pendant laquelle l’Etat s’engage à payer pour l’amélioration significative des résultats sociaux (comme une réduction du taux de délinquance) pour une population définie[1]. ». En d’autres termes, les SIB sont un type de prêts, accordés par des organismes privés aux gouvernements, dans le but de financer des projets sociaux.

Concrètement, cela prend la forme d’un contrat, d’une durée allant de 3 à 7 ans, entre des investisseurs, les pouvoirs publics et un organisme d’intérêt général. Ce contrat fixe des objectifs et obligations de résultats. Si ces derniers sont atteints, les investisseurs percevront un certain taux de retour sur leur investissement. S'il est dépassé, cette rémunération sera augmentée. En revanche, s’il n'est pas atteint, les investisseurs ne toucheront rien: ils auront alors effectué un simple don caritatif.

Premier bilan

A terme, les SIB pourraient permettre d’identifier les politiques sociales les plus efficaces, et d’éliminer celles qui ne répondent pas aux attentes des gouvernements. Autres avantages : les contribuables sont, avec cette solution, protégés du financement de programmes voués à l’échec, puisque le risque repose sur les bailleurs privés ; et les porteurs de projets reçoivent quant à eux la source de financement dont ils ont besoin pour mener à bien leur entreprise. Investissements innovants,  les SIB sont pourtant loin de faire l’unanimité. Si les gouvernements ne connaissent plus de risques sur les projets sociaux (en cas d’échec des projets), on peut redouter que, par la privatisation de certaines de leurs fonctions régaliennes, ils trouvent un moyen de se déresponsabiliser sur des projets d’intérêt général d’envergure. Ce mécanisme des SIB ne serait finalement qu’une possibilité de gagner de l’argent sur les actions de solidarité, en créant des produits financiers adaptés à l’action sociale. On peut ainsi s’interroger sur la moralité  d’un tel concept : est-il éthique que certaines organisations puissent espérer une rémunération sur des crédits destinés à des projets sociaux au centre duquel se jouent des destins humains ? Les bénéfices réalisés ne devraient-ils pas être automatiquement réinvestis dans d’autres projets sociaux ?

Mais à l’heure actuelle, difficile de trancher puisqu’aucun des programmes pilotes n’est encore arrivé à son terme. En effet, le Peterborough Social Impact Bond est le premier à avoir été lancé au Royaume-Uni en 2010, pour une durée de 7 ans et un coût de 5 million de livres. Son objectif est de faciliter la réinsertion et diminuer la récidive de 3.000 prisonniers condamnés à de courtes peines[2]. Comprendre et mesurer l’impact de ces Social Impact Bonds va donc prendre du temps.

 

Et la France ?

En France, le mouvement prend forme sous l’influence de personnalités et entités concernés par le financement social. Mais il existe beaucoup de réticences face à la privatisation de l’économie[3]. Un rapport remis le 25 septembre dernier par Hugues Sibille, représentant français de la Taskforce internationale sur l’investissement à impact social constituée en juin 2013 par le G8, fait le point sur ce sujet montant. Elaboré par 29 personnalités du monde de la banque, du capital investissement, de l’entrepreneuriat social, d’agences publiques, d’administrations, de milieux académiques et d’organisations internationales, il considère que le traitement de besoins sociaux non ou mal satisfaits en France dans les conditions actuelles du marché et des politiques publiques, implique de mieux articuler les innovations sociales et financières. Il préconise alors l’expérimentation des « SIB » en les adaptant au contexte national : les « TIS » (Titres à Impact Social).

Léa Morgant

 

Les contrats à impact social ont du succès en Europe !

Le ministère de l’Economie et des Finances organisait le 26 septembre la première Conférence européenne sur l’innovation sociale et l’investissement social, l’occasion de présenter des expérimentations européennes réussies de contrats à impact social (CIS).

Réussite scolaire au Portugal, intégration et insertion professionnelle des migrants en Suisse et en Finlande, action sociale au Royaume-Uni et en Irlande, accompagnement des jeunes des quartiers en difficulté dans leur recherche d’emploi en Belgique… les pays européens sont de plus en plus nombreux à s’intéresser et à tester ce nouveau mode de financement.

Porteurs de projets, investisseurs, cabinets d’ingénierie, évaluateurs, payeurs aux résultats étaient réunis pour cet évènement qui s’inscrivait dans la continuité du lancement en mars dernier par le Gouvernement du premier appel à projets français sur les contrats à impact social. Pour rappel, le CIS est un dispositif expérimental permettant à des acteurs sociaux de bénéficier d’investissements privés pour mener des programmes de prévention socialement innovants.  Deux vagues de sélection ont déjà eu lieu, trois restent à venir d’ici mars 2017. Martine Pinville, secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation et de l'ESS, a tenu à rappeler en introduction de la conférence que « l’économie sociale et solidaire anticipe les mutations de notre société et de notre économie » et que les CIS doivent être vu comme un moyen complémentaire de favoriser les innovations portées par ce secteur.

Conscient de la nécessité d’encourager le mouvement désormais en marche en Europe, le Fonds européen d’investissement (EIF) encourage la création par les Etats membres de poches de fonds publics réservés aux CIS, dont l’envergure est pour le moment souvent diminuée par les limitations budgétaires imposées par le partenaire public.  L’EIF vient par ailleurs de lancer un premier appel à projets dont l’issue permettra de proposer un coinvestissement dans le cadre de certains contrats à impact social. L’objectif est de proposer à des investisseurs institutionnels d’investir dans un portefeuille de CIS, là où il s’agit aujourd'hui d’investir au cas par cas.

Chloé Baunard-Pinel


[1] Définition par le Groupe Pilote. Etude prospective «Comment encourager la philanthropie privée au service du développement ? », Mai 2012, p.35 :

[2] « Son nom est Bond, Social Impact Bond et il veut sortir la finance sociale de la philanthropie », Catherine Bernard, Slate.fr, 21 novembre 2014

[3] Question au gouvernement du 26 mai 2015 de Mme Jacqueline Fraysse à Madame la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire ()

Gare aux Social Impact Bonds, Jean-Philippe MIlesy, Politis, 20 avril 2015 : https://www.politis.fr/Gare-aux-Social-Impact-bonds,30865.html

 

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