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Traitement des déchets : de la RSE au mécénat environnemental

Expertise

Si la question du traitement des déchets est régulièrement abordée sous l'angle de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, on en oublie parfois l'existence d'un mécénat environnemental qui se concentre également sur cette problématique. Et ces deux modes d'action sont très complémentaires, comme le prouvent les quelques initiatives inspirantes présentées dans cet article.

Depuis plusieurs années de nombreux observateurs étudient les liens entre RSE et mécénat. Le mécénat fait-il partie de la RSE ? Constitue-t-il un aboutissement de celle-ci ? Doit-on distinguer en partie ou totalement les deux sphères ? La dernière étude consacrée au sujet, réalisée par l’Observatoire de la philanthropie en partenariat avec Admical et le Comité 21, dresse un constat intéressant : il existe bien des modèles différents, et si dans certains cas les frontières sont évidentes, dans d’autres, elles sont bien plus fines. Aborder ici la question du traitement des déchets au travers des prismes de la RSE et du mécénat met en valeur la force de ces deux approches qui, parfois bien différentes, sont plus que complémentaires.

 

I - D’abord, une règlementation et des injonctions sociales

  • Les grandes entreprises soumises à la loi

Plusieurs lois votées au cours de ces 20 dernières années[1] ont permis de faire évoluer les positions des entreprises en matière de RSE. En effet, le caractère obligatoire de la responsabilité sociétale des entreprises n’est apparu qu’avec l’article 116 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. Celle-ci impose à toutes les entreprises cotées en bourse de publier un rapport rendant compte des conséquences sociales et environnementales de leurs activités. Aujourd’hui, ils prennent souvent la forme de « rapport de performance extra financière ». La publication en 2010 de la norme ISO26000 a ensuite marqué une véritable avancée en donnant un cadre d’action, des lignes directrices et des exemples concrets, participant ainsi à la formalisation des politiques de RSE. Enfin, on peut citer la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (2015) qui instaurera l’obligation de communiquer sur la gestion du risque climatique et viendra préciser les axes de travail en matière de responsabilité environnementale.

  • Une appropriation progressive des normes par tous

La règlementation imposée aux grandes entreprises s’est progressivement étendue – et continue à le faire-  pour toucher un nombre croissant d’entreprises de toutes tailles. Ainsi, comme le souligne la Bpi, 50% des PME et ETI déclarent avoir une démarche RSE, et parmi les autres, 41% ont déjà mis en place des actions de RSE ponctuelles[2]. Un constat très positif, à nuancer toutefois par l’écart entre le fort engagement sur le volet social et le plus faible investissement sur l’axe environnemental.

 

 

Cette appropriation volontaire – non obligatoire mais néanmoins largement encouragé par des clients et collaborateurs de plus en plus exigeants des normes RSE par toutes les entreprises permet ainsi à la France d’afficher un score supérieur à la moyenne des autres pays de l’OCDE.

  • Choisir ses indicateurs

Sur son site, l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) précise que « le recyclage constitue à la fois un mode de traitement de déchets et un mode de production de ressources. Il intervient en troisième position après la prévention et le réemploi dans la hiérarchie des modes de traitement ». En conséquence, lorsque les entreprises définissent leurs indicateurs de suivi, c’est bien sur ces trois niveaux qu’elles doivent travailler. Parmi eux, on peut par exemple citer la production annuelle ou mensuelle de déchets, le taux de revalorisation de ces derniers, une évaluation des dépenses liées à leur gestion, le nombre d’actions de sensibilisation menées auprès des collaborateurs et des partenaires aux éco-gestes, un engagement dans une démarche d’éco-conception des produits, ou encore la réalisation d’un bilan carbone des activités de l’entreprises et de ses partenaires…

Ainsi, du plus simple au plus complexe, de nombreux indicateurs permettent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, de développer une politique de RSE.

 

II - Aller plus loin grâce au mécénat

Si les pratiques de RSE semblent bel et bien s’être installées dans les habitudes des entreprises, le mécénat environnemental reste minoritaire, puisque seulement 13% des entreprises mécènes (majoritairement les grandes) s’engagent dans ce domaine pour une part dans le budget global du mécénat de 7%[3]. Et ce chiffre diminue encore quand on se concentre sur le sujet du traitement des déchets. Néanmoins, certaines entreprises se sont déjà emparées du sujet…

  • Le mécénat de compétences, particulièrement efficace dans ce domaine

En 2018 on comptait un peu plus de 400 entreprises mécènes dont le cœur d’activité est la production et distribution d’eau, l’assainissement, la gestion des déchets et la dépollution. Elles déclaraient près de 14 millions d’euros de dons[4]. Si cette contribution financière peut paraître faible (moins d’1% de la totalité des dons), la mise à disposition de compétences métiers très spécifiques constitue en revanche un véritable atout pour mener des opérations de mécénat réussies.

Et la Fondation SUEZ est un exemple en la matière. Elle soutient des actions concrètes dans les pays en développement pour un meilleur accès aux services essentiels des populations défavorisées, notamment l’eau, l’assainissement et la gestion des déchets. Depuis 2011, plus de 500 collaborateurs se sont engagés, portés par l’association Aquassistance qui structure la mobilisation des salariés du Groupe, actifs ou retraités, depuis 25 ans. En plus de ce fort mécénat de compétences complété par un mécénat financier et en nature, le Prix SUEZ - Institut de France récompense tous les 2 ans des structures d’intérêt général et des entrepreneurs agissant sur ces mêmes thèmes. Parmi les lauréats de 2018, un duo de start-ups franco-ivoiriennes COLIBA et CPROPRE qui proposent une solution de pré-collecte, de tri et de valorisation des déchets à Abidjan en y intégrant le secteur informel a pu bénéficier d’un soutien de 50 000 €.

  • La recherche académique et appliquée au service de l’environnement

La recherche tient également un rôle fondamental pour améliorer le traitement des déchets et gérer les pollutions. Ainsi, le soutien apporté par de nombreux mécènes à la Fondation Tara Océan (Agnès B, la Fondation Groupe EDF, BIC, la Fondation Albert II de Monaco, Véolia, etc…) qui pilote depuis 2004 des expéditions scientifiques à travers le monde, a par exemple permis de lancer en 2019 la mission « micro-plastiques » : une traversée de 6 mois entre 9 fleuves européens pour comprendre les origines de cette pollution marine. Toujours sur les mers mais aussi sur terre, le navire laboratoire Plastic Odyssey travaille quant à lui au développement de solutions locales et internationales pour mieux traiter les déchets en s’appuyant sur l’innovation. Pour ce faire, l’organisation intervient sur 3 axes : le soutien à l’économie sociale ; la sensibilisation et mobilisation des citoyens pour agir localement et la recherche appliquée, à la fois pour éprouver et améliorer certaines techniques existantes mais aussi pour trouver de nouvelles technologies. Les résultats des recherches sont accessibles en open-source. Là encore, la participation des mécènes est indispensable et Plastic Odyssey peut compter sur le soutien de 4 partenaires structurels : L’Occitane, le Crédit Agricole, Clarins et la Matmut.

 

S’il est vrai qu’un engagement fort pour le développement durable peut paraître compliqué au vu des nombreuses contraintes existantes dans les entreprises et du nombre incroyable d’actions à mener, c’est en travaillant sur la cohérence et la complémentarité des politiques de RSE et de mécénat que certains freins pourront être levés. Et pour cela, la construction d’une feuille de route structurée autour des ODD apparaît comme une très bonne solution, tout comme, pour les plus grandes entreprises, la création d’une « direction de l’engagement » pilotant l’ensemble de ces actions.

 

Diane Abel


[1] « 10 textes juridiques fondamentaux pour la RSE des entreprises », Julie Le Bolzer, Les Echos, 07/11/19

[3] Baromètre Admical « Le mécénat d’entreprise en France » (Admical/CSA, Décembre 2020)

[4] Baromètre Admical « Le mécénat d’entreprise en France » (Admical, Décembre 2020)

 

> A lire pour en savoir plus : Etude "L'entreprise engagée : Nouvelles frontières entre la RSE et le mécénat" (Observatoire de la philanthropie, 2018)

 

 

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