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Relation partenariale : des liens mécènes – bénéficiaires renforcés par la crise

Expertise

L’apparition brutale de la crise sanitaire a suscité une forte mobilisation de tous, mais elle a aussi été révélatrice de certaines fragilités des structures associatives. Pour les accompagner dans cette épreuve et répondre au mieux à leurs besoins face à l’urgence, les mécènes ont su faire preuve d’une grande adaptabilité. Ainsi, comme le révèle notre dernière étude sur l’impact du Covid-19, l’écoute et la confiance se sont révélés être les ingrédients d’un partenariat réussi.

 

Etat d’avant crise : du don à l’accompagnement

Depuis plusieurs années déjà, le mécénat va dans le sens d’un accompagnement plus poussé et d’une implication croissante des mécènes dans les projets. Le suivi continu et la mesure d’impact sont ainsi devenus des pratiques répandues et aujourd’hui, un projet de mécénat réussi est véritablement un projet de partenariat.

Le changement opéré avec la crise est finalement l’héritage d’un changement amorcé bien en amont qui peut dans certains cas devenir une nouvelle préoccupation pour les porteurs de projets : une trop forte implication des mécènes qui déséquilibrerait la balance. Tout l’enjeu pour construire un partenariat réussi sur le long terme est alors de construire une relation partenariale équilibrée dans un climat de confiance.

Cette évolution dans les relations mécènes-mécénés se ressent dans les méthodes de sélection des projets. Dans le dernier Panorama des Fondations et Fonds de dotation créés par des entreprises mécènes, réalisé conjointement par Les entreprises pour la Cité et EY, on apprend que le recours aux appels à projets est en baisse depuis 4 ans, même s’il reste utilisé par 50% des sondés. Désormais le moyen le plus couramment utilisé par les entreprises mécènes pour sélectionner un projet est la détection en interne, privilégiée par 76% des répondants. Cette première approche est orientée vers l’humain, plaçant la personne portant le projet au cœur du partenariat tout autant que le projet en lui-même. Les rencontres se font de personne à personne là où lors des appels à projet, le premier contact a lieu par le biais d’un questionnaire, même s’il évolue par la suite. Ce changement traduit une volonté de contact plus direct avec l’humain comme fondement de la part des mécènes.

 

Impact de la crise : l’écoute & la confiance

La crise a rudement frappé les bénéficiaires. D’après l’étude du Mouvement Associatif sur l’impact de la crise sur la vie associative, 29% des associations ont fait face à une perte de revenus significative, mettant même parfois en péril leur existence (2% d’entre elles n’excluent pas un dépôt de bilan). Depuis le début de la crise, la réalisation de certains projets a été entravée voire empêchée (86% des associations ont dû annuler au moins un événement).

On pourrait s’attendre à ce que la relation mécène-mécéné en soit déséquilibrée : les bénéficiaires sont plus que jamais dans le besoin, ce qui les place en position de faiblesse. Il est plus difficile pour eux d’exprimer leurs vrais enjeux de peur de rebuter certains mécènes.

Les mécènes ont pourtant été particulièrement à l’écoute en cette période. Ils ont très rapidement eu la volonté d’agir et ont contacté leurs partenaires pour prendre de leurs nouvelles et les questionner sur leurs besoins immédiats. Comme le montre notre étude sur l’impact du Covid-19, la dimension globale de la crise explique en partie ce rapprochement psychologique de l’ensemble des parties prenantes. La routine étant bouleversée, il devient nécessaire de se renseigner régulièrement pour avoir des informations fiables. Ce renforcement des relations humaines permet de rééquilibrer d’éventuels dysfonctionnements en rétablissant une écoute mutuelle. Tandis qu’habituellement les bénéficiaires doivent faire le premier pas pour aller à la rencontre de mécènes, pendant la crise le processus a pu s’inverser. Certains bénéficiaires habitués à remplir des formulaires d’appels à projets ont été appelés par leurs mécènes avec la question : « comment pouvons-nous vous aider ? ». Ainsi, la crise a été un élément déclencheur pour replacer les réels besoins des bénéficiaires au cœur de l’action philanthropique, auparavant parfois trop centrée sur le donateur.

Une autre clé d’une relation réussie est la confiance. « C’est dans les moments difficiles que l’on reconnait ceux sur qui l’on peut compter. » Preuve en est, 61% des entreprises ont maintenus leur budget mécénat et 31% l’ont augmenté ! Certains mécènes ont également fait évoluer leur soutien en mécénat de fonctionnement, permettant de soutenir les frais de structure de leurs partenaires ayant dû annuler des projets. Nul doute que cet accompagnement sans faille malgré les difficultés continuera de renforcer les liens entre les différents partenaires.

 

L’intérêt général sur le devant de la scène

D’après le Journal Officiel des 31 janvier 1989 et 22 septembre 2001, le mécénat se définit comme : « soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général ». L’intérêt général est ainsi une condition essentielle et nécessaire à toute action. C’est pour cette raison que la structure fiscale reconnaît et légitime le mécénat en rendant les dons de bienfaisance déductibles d’impôt et les organisations bénéficiaires exonérées d’impôt. L’impératif d’intérêt général implique que les besoins et préoccupations des bénéficiaires soient considérés comme la priorité. Or nous avons remarqué que cet impératif a plus que jamais été mis sur le devant de la scène pendant la crise. Preuve en est que si le mécénat devient de plus en plus stratégique pour les entreprises, ces dernières n’oublient pas pour autant le sens de leur engagement et restent au service des partenaires soutenus.

Ces conclusions vont dans le sens d’une amélioration du principe de fonctionnement des relations entre mécènes et porteurs de projets. Mais ces expériences positives pendant la crise vont-elles perdurer ? Comment capitaliser sur ces exemples pour donner un nouvel élan, voire de nouvelles orientations au mécénat dans un contexte social et économique qui sera, sans aucun doute, difficile ?

 

 

Sarah Jousserand

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Une des sessions digitales tentera de répondre à la question : En quoi la crise a-t-elle modifié l’accompagnement des bénéficiaires dans les domaines de la Culture et de l’Education ? Atelier cocréé avec la Fondation Total qui apportera son témoignage.

 

> Découvrez l'étude Admical "COVID-19: premiers impacts sur l'engagement des mécènes"

 

 

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