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Pourquoi soutenir les associations
Expertise
Il y a quelques semaines, on se souvenait des attentats de novembre 2015 et on rappelait l’importance de la cohésion sociale et de l’engagement. En répondant à des besoins sociaux, en permettant à ceux qui en expriment le désir de s’engager, les associations françaises y contribuent fortement. Elles sont pourtant confrontées à des tendances de fond qui les fragilisent. Comment y faire face et ainsi conserver la qualité et l’innovation de la réponse apportée à des problématiques qui touchent à l’intérêt général ?
Le constant : des associations qui revoient leurs modèles socio-économiques et l’utilisation des ressources bénévoles
Dans une étude réalisée par KPMG pour l’Union des employeurs de l’ESS et le Mouvement associatif[1], il est noté que le contexte de crise économique pousse les associations à revoir leur modèle socio-économique, tout en s’efforçant de rester conformes à leurs valeurs.
En France, des centaines de milliers d’associations participent à la construction de la cohésion sociale, notamment grâce à leur action de terrain et leur capacité d’innovation. Cette dernière n’est pas toujours reconnue, notamment par l’Etat. Un exemple très concret est la suppression récente des contrats aidés, qui affecte énormément d’associations. De même, les associations n’ont pas droit au crédit d’impôt compétitivité emploi, un avantage fiscal qui permet à une organisation employant des salariés de payer moins de cotisations sociales. Pour Viviane Tchernonog et Hugues Sibille[2], l’Etat ne prend en compte que les emplois productifs privés et les emplois de service public, mais pas les emplois dans le secteur associatif. Il y en a pourtant 1,8 million, ainsi que 14 à 16 millions de bénévoles.
Des mutations sont aussi à l’œuvre dans le domaine du bénévolat et il est notamment de plus en plus difficile pour les associations de recruter des bénévoles pour les fonctions dirigeantes.
Avec la fragilisation de leurs modèles socio-économiques et donc de leurs ressources, humaines et financières, les associations risquent de perdre leur capacité d’innovation.
Les solutions : une prise de position plus claire de l’Etat et une mobilisation d’autres acteurs pour soutenir le secteur associatif
Tchernonog et Sibille, mais aussi Charles-Benoît Heidsieck et Marie-Hélène Fauré Farman[3] remarquent cependant que les associations sont remarquablement résilientes. Face aux mutations de leurs sources de financement, elles trouvent notamment de nouveaux mécènes et de nouveaux modes de financement comme le « crowdfunding ».
Le mécénat de compétences se présente également comme une nouvelle manière de soutenir les associations ayant besoin de se structurer. Il permet de répondre à la fois à la problématique du manque de ressources financières, qui empêche les associations de recourir à des experts pour leur apporter les compétences qu’elles n’ont pas, et à celle des ressources humaines, puisqu’il permet aux associations de bénéficier du temps de collaborateurs d’entreprises. En parallèle des tendances qui affectent les associations, d’autres transforment actuellement le monde du travail, avec des salariés davantage en quête de sens et d’expériences innovantes. Cela permet à des dynamiques comme le mécénat de compétences d’être bénéfiques pour toutes les parties prenantes.
L’Etat semble aussi avoir compris qu’il lui fallait mieux soutenir le secteur associatif et mieux l’associer au changement d’échelle de l’économie sociale et solidaire qui est en cours. Pour cela, Christophe Itier, le nouveau Haut-Commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale, compte proposer début 2018 un « Social Business Act » à la française, une loi pour un changement d’échelle de l’ESS. Faire reconnaître l’ESS dans les politiques publiques et notamment dans les marchés publics est à l’ordre du jour, et le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS), qui a tenu sa première réunion en octobre, doit travailler sur la mise en place d’un label pour l’économie sociale et solidaire. Les associations doivent y être associées en tant qu’acteurs majeurs de l’innovation sociale.
Pour Viviane Tchernonog et Hugues Sibille, cette innovation sociale des associations doit continuer à être alimentée par de nouvelles formes de partenariats : entre les associations entre elles, et aussi entre les associations, les entreprises et la puissance publique. Des acteurs comme Le RAMEAU, la Fonda et Pro Bono Lab promeuvent ces partenariats et sensibilisent à l’engagement pour continuer à soutenir les associations : au vu des besoins sociaux toujours plus prégnants qui caractérisent notre société, c’est plus que nécessaire.
Tatiana HEINZ
Responsable de la recherche et des partenariats internationaux
[1] Rapport sur les stratégies des acteurs associatifs et propositions pour faire évoluer les modèles socio-économiques des associations, KPMG, janvier 2017
[2] « Associations : l’Etat semble en panne de doctrine claire », Viviane Tchernonog et Hugues Sibille, Le Monde, 18 octobre 2017
[3] « Mieux accompagner l’innovation des associations », Marie-Hélène Fauré Farman et Charles-Benoît Heidsieck, Les Echos, 1er décembre 2017