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Organisation et gouvernance des actions mécénat : la diversité des modèles
Expertise
Le mécénat répond à plusieurs enjeux stratégiques de l’entreprise
EY et les Entreprises pour la Cité ont publié fin 2018 la troisième édition du Panorama des fondations et des fonds de dotation[1] portant sur plus 84 structures (fondations d’entreprise, fondations abritées, fonds de dotations, fondations reconnues d’utilité publique).
L’étude montre que la plupart des structures d’intérêt général ont désormais conscience de répondre à des enjeux stratégiques pour l’entreprise.
En effet, 98% de ces structures considèrent prendre une part importante aux enjeux des ressources humaines, en favorisant la cohésion interne de leur entreprise, à travers la promotion de valeurs communes, le développement des compétences métier, les conditions de travail. L’enjeu de la communication est aussi un des principaux enjeux stratégiques auquel répond le mécénat : 96% des structures estiment contribuer à une meilleure image de l’entreprise et la valorisation d’une culture partagée.
Ainsi, puisque l’engagement de l’entreprise via le mécénat a un réel impact sur des points stratégiques essentiels pour le développement global de celle-ci, il semble logique que plusieurs services s’emparent du sujet. Comme le montrent les résultats, les entreprises mobilisent en effet près de 5 directions différentes pour mettre en place leurs actions de mécénat. Parmi elles, la Direction du développement durable arrive en tête dans plus de 35 % des structures interrogées. S’en suit la Présidence/Direction générale (27%), ainsi que la Direction de la communication/marketing (25%) et les Ressources Humaines (19%). 8% des entreprises mobilisent également une Direction du Mécénat pour coordonner leurs actions. Le mécénat est donc partout. Cette mobilisation traduit alors l’enjeu fort du mécénat comme un facteur fédérateur des différents services de l’entreprise. Alors, comment assurer une bonne communication et une cohérence dans les décisions prises par les différentes directions ? Car si le mécénat peut constituer un véritable outil pour fédérer les personnes au sein d’une entreprise et devenir un levier de performance, il implique de mettre en œuvre une stratégie concertée.
De la nécessité d’un recentrage stratégique
Chaque entreprise a développé au fil du temps son propre modèle de gouvernance du mécénat et aujourd’hui, on peut presque dire qu’il existe autant de modèles organisationnels que d’entreprises mécènes. Si de nombreuses structures se posent à présent des questions pour définir le meilleur mode de gestion de la politique de mécénat, il ne faut pas chercher à appliquer coûte que coûte un modèle prédéfini, car ce serait oublier les spécificités de chaque entreprise qui constituent son ADN.
Néanmoins, afin de donner du sens à son engagement, que ce soit auprès des bénéficiaires, des collaborateurs ou encore auprès de ses partenaires, l’entreprise doit replacer celui-ci au centre de sa stratégie. Une fois les objectifs bien définis, il sera alors temps de déployer un système de gouvernance adapté. Cette approche, les entreprises s’en saisissent de plus en plus, puisque d’après le Panorama 2018 des Fondations et Fonds de Dotation, la tendance est au recentrage stratégique et les fondations sont de plus en plus rattachées à la présidence et à la direction générale. On observe, d’après l’enquête, une évolution de plus de 25% en l’espace de quatre ans qui traduit donc très clairement la volonté des entreprises mécènes d’intégrer le mécénat au cœur de leur stratégie globale, preuve qu’une réelle prise de conscience est en marche.
Le mécénat au cœur de la stratégie globale de l’entreprise
Certaines entreprises sont allées plus loin et ont fait le choix de recentrer l’ensemble des initiatives en faveur de l’intérêt général à travers la création d’une seule et même direction. Ce changement d’échelle est d’autant plus fort que ces entreprises ont intégré l’engagement au sein même de leur stratégie à long terme.
Le Groupe BNP Paribas a créé fin 2017 la Direction de l’Engagement dans le cadre de sa stratégie à horizon 2020 directement présentée au Comité Exécutif du Groupe. Le rôle de cette nouvelle direction est de fixer les chantiers prioritaires pour BNP Paribas dans tous les champs qui relèvent de l’engagement du groupe et mettre en lien les différents métiers et compétences de ses collaborateurs. D’après Antoine Sire, directeur de l’engagement de l’entreprise à BNP Paribas, cette Direction de l’engagement est « un moyen de fédérer l’ensemble des énergies de BNP Paribas pour définir et appliquer une stratégie d’engagement ambitieuse »[2] . La création de cette direction au périmètre large traduit une vision stratégique forte et un changement d’échelle dans son approche de l’engagement sociétal, ce qui initie une véritable transformation du Groupe.
Total a fait de même en créant en 2016 la direction ‘‘Engagement Société Civile’’ dirigée par Manoelle Lepoutre, prenant en charge les initiatives de Total sur le plan de ses engagements envers la société, dans le cadre de sa stratégie à horizon 20 ans. Cette direction a permis au groupe de réorienter ses actions mécénat vis-à-vis des activités de l’entreprise. La Fondation Total a donc mis en place quatre nouveaux axes : la sécurité routière, le climat, l’éducation et l’insertion des jeunes, ainsi que le dialogue des cultures et le patrimoine.
On le voit donc, face aux nouveaux défis sociétaux, les entreprises mènent de nombreuses réflexions et actions pour renforcer le lien entre l’intérêt général et leurs activités. Leurs différentes stratégies d’engagement, notamment à travers le mécénat, nous montrent à quel point les enjeux auxquels elles doivent répondre sont aujourd’hui importants. Ces nouvelles gouvernances marquent un nouveau cap pour le développement d’entreprises pleinement engagées dans la société.
Juliette Boucher
[1] Panorama 2018 des fondations et fonds de dotation créés par des entreprises mécènes (2018, Les entreprises pour la Cité / EY)
[2] Interview d’Antoine Sire – Panorama 2018 des fondations et fonds de dotation créés par des entreprises mécènes – p.40
Pour aller plus loin :
Entretien avec Cécile Renouard, directrice du programme de recherche CODEV "Entreprises et développement" à l'ESSEC