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Les Micro-Folies : une prouesse technologique et culturelle au service des territoires
Expertise
Les nouvelles technologies, véritables composantes de notre quotidien, impactent sans conteste notre société et nos comportements. Certains diront que nous sommes dépendants à l’utilisation de ces outils et qu’il est devenu difficile de distinguer qui de la technologie ou de l’individu est le produit de cette nouvelle ère. Pourtant, ces outils peuvent servir de manière incontestable l’individu et la société. En matière culturelle, l’entrée du monde de l’art dans l’ère du numérique est un véritable défi. Vecteur d’une nouvelle forme de partage, d’une diffusion originale de l’information, le numérique permet aux acteurs de la culture le développement de pratiques novatrices. Sans remplacer l’expérience muséale, les nouvelles technologies offrent aux établissements la possibilité d’adapter leurs modèles d’expositions et d’apporter des formes de médiation inédites. Quelles sont ces folies parties à l’assaut des territoires ?
Une démarche partenariale qui s’adapte aux besoins des territoires
Le projet Micro-Folies, s’articule autour d’un musée numérique destiné à rendre la culture accessible au plus grand nombre. Il a été initié par la Villette en collaboration avec 12 établissements culturels nationaux[1]. Cette initiative innovante cherche à « répondre aux inégalités culturelles en permettant un accès différent, numérique et ludique aux grands chefs-d’œuvre des musées nationaux »[2].
Ce projet est le fruit d’une démarche partenariale qui allie financements publics et privés. En effet, les Micro-Folies sont portées par le ministère de la Culture qui prend en charge l’adhésion au réseau Micro-Folies et la mission d’ingénierie assurée par la Villette. Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales tout comme les députés, maires, élus, directrices et directeurs régionaux des affaires culturelles et les collectivités territoriales sont également des acteurs clés de cette initiative ambitieuse. D’ailleurs, Franck Riester, ministre de la Culture, les avait tous réunis le 16 septembre dernier pour annoncer le déploiement d’un millier de musées numériques de proximité d’ici 2022 et l’augmentation dès 2020 des crédits alloués au projet.
Cette initiative publique n’aurait pourtant pas vu le jour sans le soutien de partenaires privés, à commencer par la Fondation d’entreprise Groupe EDF. Cette dernière a fait de la solidarité et de l’éducation ses priorités. Les Micro-Folies qui promeuvent l’inclusion sociale et l’éducation répondent alors à l’ambition de la fondation de faire bouger les lignes de notre société via des projets innovants. La Fondation Orange voit quant à elle le numérique comme un facteur d’égalité des chances. Engagée pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes et des femmes en difficulté, la fondation contribue également à démocratiser la culture auprès de tous les publics. Les Micro-Folies sont alors un moyen innovant de répondre à ces objectifs.
Cette collaboration entre acteurs publics, avec le soutien des mécènes, est la clé de réussite de cette nouvelle étape lancée en 2020 car elle offre aux collectivités la possibilité d’user de dispositifs adaptés aux enjeux et aux besoins de leur territoire. Modulables en fonction des lieux d’accueil, les Micro-Folies s’implantent dans les espaces du quotidien des habitants : médiathèques, galeries marchandes, gymnases, salles des fêtes… Elles sont ainsi sources de rencontres et d’échanges, réduisent les inégalités géographiques et participent à la cohésion des territoires. Accompagnée par la Villette, chaque collectivité peut alors installer à faible coût sa propre Micro-Folie.
L’accès à la culture à l’ère du numérique
Les nouvelles technologies offrent des moyens diversifiés et flexibles pour rendre la culture accessible au plus grand nombre. Le musée numérique, en visite libre ou en mode conférencier, est le cœur de la Micro-Folie. Mais des activités complémentaires ont également été développées et c’est l’ensemble de ces espaces modulables qui donne son S aux Micro-Folies. En effet, des cafés, salles de lecture, ludothèques, ateliers sont autant d’espaces conviviaux accessibles aux familles. Parce que les Micro-Folies sont des lieux de création, des spectacles peuvent voir le jour en lien avec les artistes, les structures culturelles et les associations locales. Des outils numériques tels que la réalité virtuelle, des imprimantes 3D, des ordinateurs ou encore des machines à coudre numériques sont également mis à disposition de tous. Toutes les idées d’outils innovants et d’activités sont ainsi les bienvenues.
Dans les territoires, de nombreux projets aux formes inédites ont éclos. Dans la Creuse, la Chapelle du Sauveur a été reconvertie en Micro-Folie. La municipalité a en effet bénéficié du don du bâtiment pas la congrégation des sœurs afin qu’il abrite un projet culturel associant les acteurs culturels du territoire. A Evry, une Micro-Folie va être implantée dans un axe fréquenté du centre commercial Agora – Evry 2 afin de développer les activités culturelles de la ville. Ces folies sont également parties à la conquête d’autres pays en se déployant dans les Instituts français, les Alliances françaises et les institutions culturelles internationales. La médiathèque de l’alliance française d’Abu Dhabi a ainsi été réaménagée en musée numérique et un espace Café est venu compléter le projet.
Le projet Micro-Folies est extrêmement innovant et met le numérique au service de la culture, des territoires et de ses habitants. Il nous permet également de nous interroger plus globalement sur les avantages et les limites de l’entrée de l’art et de la culture dans l’ère du numérique. Les politiques d’Open Data souhaitées par les institutions culturelles facilitent l’accès aux collections et favorisent la recherche et la documentation. L’Open-Data peut-il alors remplacer l’expérience muséale ? Au contraire, il la nourrit en apportant de nouvelles pratiques. Le numérique fait du musée un lieu qui n’est plus seulement physique mais où l’expérience se prolonge, un lieu moins contemplatif et plus interactif. En témoigne le succès des expositions de l’Atelier des Lumières. Libre cours est alors laissé aux acteurs culturels pour développer de nouvelles formes de médiation.
Clara Lemonnier
[1] Le Centre Pompidou, le Château de Versailles, la Cité de la Musique –Philharmonie de Paris, le Festival d’Avignon, l’Institut du monde arabe, le Louvre, le Musée national Picasso-Paris, le musée d’Orsay, le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac, l’Opéra national de Paris, la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, Universcience et La Villette
[2] Didier Fusiller, président de l’établissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette