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Le mécénat culturel international : un outil au service du dialogue interculturel

Expertise

Les réseaux de diffusion de la culture et de la langue française font chaque année appel au mécénat d’entreprises pour financer le rayonnement culturel français. Entre impératif économique et finalité géoculturelle, quelles sont les tendances lourdes du mécénat culturel dans les relations internationales ?

 

Avec un périmètre d’action aussi large que le monde, nombreuses sont les entreprises à se lancer dans l’aventure internationale et elles ont bien compris qu’elles pouvaient jouer un rôle positif dans la mondialisation, en faisant bénéficier aux territoires d’implantation d’un impact culturel positif. A l’heure de la communication mondialisée, les cultures sont plus que jamais en contact. Pour autant, un dialogue interculturel peine à se mettre en place, conséquence directe d’une perte des repères généralisée. L’action culturelle internationale des entreprises, notamment via le mécénat, est un processus décisif pour faire advenir une société-monde plus harmonieuse, caractérisée par le dialogue culturel et la compréhension mutuelle.

 

Les aspects culturels de l’action internationale des entreprises

La place de l’entreprise dans la mondialisation économique ne se discute plus : elle en est non seulement actrice mais aussi et surtout l’indéniable moteur. Le rôle international de l’entreprise ne se limite pourtant pas à la dimension économique de la mondialisation, et elle a de fait une responsabilité dans le domaine culturel. Son implication dans les échanges culturels internationaux permet de répondre à un triple impératif : la cohésion interne des membres de l’entreprise, et c’est notamment le cas des firmes multinationales qui mettent en œuvre de véritables politiques de diversité culturelle dans leurs stratégies de management ; la légitimité externe de l’entreprise, qui, quand elle s’implante dans un pays et une culture étrangère, fait souvent face à une réticence de la société civile et des pouvoirs publics ; enfin et surtout, la prise de conscience par l’entreprise multinationale du rôle qu’elle doit jouer dans la société-monde.

L’implantation d’une entreprise à l’étranger, qu’il s’agisse d’une délocalisation ou de l’ouverture d’une antenne ou filiale, ne se résume donc pas à une simple opération économique. Pour être durable, la stratégie internationale d’une entreprise doit prendre en compte la dimension culturelle du pays de destination. L’époque de la délocalisation « sauvage » est révolue, et les entreprises ont bien compris les enjeux culturels de l’ouverture à la mondialisation. La perte des repères, caractéristique de notre époque à l’heure de la communication mondialisée, des réseaux sociaux et de l’immédiateté de l’information nécessite de mettre en place un dialogue interculturel, afin de se prévaloir des effets négatifs de la mise en contact des cultures. Les cultures en contact se modifient mutuellement, mais la compréhension mutuelle est la clef d’une société harmonieuse : il est alors indispensable de multiplier les politiques et échanges culturels internationaux, pour faire dialoguer les cultures.

L’Etat et les entreprises : des rôles complémentaires dans les relations internationales ?

L’échange culturel, domaine traditionnellement réservé à l’Etat, tend à prendre de nouvelles formes, et surtout, à se produire par la volonté de nouveaux acteurs tels que les entreprises. Et les échanges culturels internationaux ne sont pas réservés aux industries culturelles et créatives : toute entreprise, quelle qu’elle soit, peut participer à la mise en œuvre d’un dialogue interculturel grâce au mécénat, pratique par ailleurs encouragée par l’Etat.

A l’international, le mécénat culturel a vocation à s’appliquer à double titre : le champ d’application du dispositif fiscal intègre la diffusion de la culture, de la langue française et des connaissances scientifiques françaises, et les dons effectués au bénéfice d’organismes implantés à l’étranger sont éligibles à la réduction d’impôt dans le domaine humanitaire, de la mise en valeur du patrimoine artistique, de la diffusion de la culture et de la langue française et de la protection de l’environnement naturel[1].

Bien qu’en France, et plus globalement en Europe, la diplomatie culturelle[2] est traditionnellement l’apanage des acteurs étatiques, de plus en plus d’acteurs privés font irruption dans les relations internationales et les échanges culturels internationaux. L’action des entreprises dans les relations internationales relevait d’abord de la diplomatie économique[3] en ce que cette dernière garantit les intérêts économiques des acteurs privés et publics, mais le rôle de l’entreprise dans la diplomatie tend à évoluer et devient complémentaire de l’action de l’Etat dans le domaine culturel. Les acteurs privés sont en effet des canaux privilégiés de la puissance douce[4], ou soft power – pour reprendre l’expression de Joseph Nye : « la capacité d’influence sur le comportement des autres, pour obtenir ce que l’on souhaite » grâce à des vecteurs culturels.

 

On l’aura bien compris, il n’est pas question que l’entreprise remplace l’Etat dans son rôle diplomatique, et ce n’est d’ailleurs pas souhaitable. L’Etat garde sa situation de monopole en matière de diplomatie, mais l’entreprise est un outil efficace à sa disposition afin de financer des programmes de politique culturelle extérieure. Les rôles respectifs de l’Etat et de l’entreprise sont donc bien complémentaires, et il semble qu’aujourd’hui, l’un ne saurait se passer de l’autre. Si l’entreprise n’est pas un acteur diplomatique à proprement parler, et s’il est toujours subordonné à l’Etat dans son action diplomatique, on ne doute toutefois pas de son rôle géoculturel dans la mondialisation, conséquence directe de la prise de conscience par l’entreprise de son rôle sociétal. En s’investissant et en investissant dans des programmes d’échanges culturels internationaux, et en promouvant un dialogue interculturel, l’entreprise se donne un nouveau rôle de pont entre les cultures et les civilisations.

 

L’exemple de l’Institut Français

L’Institut Français, établissement public chargé de l’action culturelle extérieure de la France, bénéficie du mécénat d’entreprise et participe au rayonnement de la culture et de la langue française à l’international. Chaque année, depuis 2015, le mécénat pèse pour au moins 2 millions d’euros dans le budget de l’Institut Français[5], et constitue sa seconde source de recettes. C’est d’ailleurs sans compter sur les 98 Instituts Français dispersés à travers le monde qui lèvent eux aussi des fonds et comptent sur le mécénat pour financer des projets d’échange culturel.

 

Découvrez les témoignages des entreprises mécènes de l’Institut Français :

 

Guillaume Guichon

 


[1] En 2017, la publication d’une nouvelle instruction fiscale a permis d’étendre le domaine des actions possibles à l’international et d’assouplir les conditions d’éligibilité au dispositif fiscal du mécénat à l’international

[2] C’est-à-dire, dans le domaine de la politique étrangère, une politique publique à double objectif : faire rayonner la culture française en exportant des éléments propres à la culture nationale ; et tisser des liens d’ordre culturel avec d’autres Etats.

[3] Pour des acteurs étatiques ou non, la diplomatie économique consiste à s’assurer de la mise en œuvre et de la persistance d’un cadre juridique, fiscal, financier efficace pour l’intégration de ses entreprises nationales dans la mondialisation, afin, en outre, de protéger les intérêts économiques nationaux et promouvoir l’attractivité du territoire

[4] En ce sens, Jean Michel Boucheron et Jacques Myard ont déjà mis en lumière, en 2011, « la montée en puissance des entités privées dans les relations internationales », dans un rapport d’information sur les « vecteurs privés d’influence dans les relations internationales »

[5] Pour comparaison, les subventions étatiques pour l’Institut Français s’élèvent à 30 millions d’euros par an

 

 

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