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Impact, ROI et Gestion des risques : comment bien penser sa stratégie de Venture Philanthropy ?

Expertise

Aujourd’hui sur toutes les bouches, la recherche d’impact social et sociétal occupe les esprits de nombre de mécènes. Finie la politique du chèque en blanc et la philanthropie « old school ». À présent, les mécènes veulent être au plus proche de leurs bénéficiaires, souhaitent s’impliquer dans les projets qu’ils soutiennent et évaluer l’impact de ces derniers. Mais quelle stratégie mettre en place lorsque l’on souhaite se lancer dans une véritable politique d’investissement à impact ? Quelles sont les étapes clés de réflexion en amont ? Quels outils utiliser ? Zoom sur un travail d’introspection primordial à mener avant de se lancer.

Avant toute chose, pour les non-initiés et celles et ceux qui ont besoin d’un petit rappel sur ce que sont la Venture Philanthropy et le Social Investment, découvrez ou redécouvrez l'article "Compatibilité entre impact social et intérêt business : zoom sur la Venture Philanthropy"

 

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une stratégie de recherche d’impact et comment la définir ? La stratégie de recherche d’impact, c’est la manière par laquelle une entreprise ou un investisseur social va articuler ses réflexions, ses actions et ses modalités de soutiens pour faire en sorte de résoudre une problématique sociale et/ou sociétale. Pour déterminer cette stratégie, il faut impérativement challenger et questionner – si possible dans l’ordre – les 3 items suivants :

  1. l’impact social et sociétal que l’on désire atteindre
  2. le retour sur investissement attendu
  3. la gestion du « risque »

 

I -  Réfléchir à l’impact que l’on désire atteindre

Objectifs

Il est primordial de réfléchir dans un premier temps à l’impact recherché. Avant l’octroi de tout soutien à un bénéficiaire ou un entrepreneur social, quel est l’objectif que nous souhaitons atteindre ? Quelle problématique liée à la cause dans laquelle nous intervenons souhaitons-nous résoudre ? Comment le porteur de projet qui s’adresse à nous est en mesure de nous aider à réaliser cet objectif ? Répondre à cette question, c’est finalement prendre le problème à l’envers : imaginer la « situation rêvée » comme point de départ de nos réflexions et être orienté « solutions ».

La meilleure manière de déterminer ces objectifs est de mener une méthodologie de planification stratégique appelée « Théorie du Changement », une méthodologie qui consiste à définir la raison d’être, la mission ultime d’une organisation, pour ensuite cartographier les étapes préalables nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Elle implique qu’un objectif final soit fixé avant de décider des modes d’actions pour y arriver. Cette méthodologie permet notamment de mettre en évidence les liens de causalité – donc d’expliquer le processus de changement – et fait la distinction entre les résultats escomptés et les résultats réels.

 

Evaluation de l'impact

Comment parler d’impact sans parler de mesures ? Car si l’on se lance dans une vraie politique d’investissement à impact, il sera primordial de penser notre stratégie de management de l’impact, et essentiel de le mesurer. Dans son « Practical Guide to Measuring and Managing Impact », l’EVPA propose de suivre les cinq étapes suivantes :

  • Se fixer des objectifs (objectif projet + objectif global i.e mentionné plus haut)
  • Analyser les parties prenantes
  • Mesurer les résultats
  • Vérifier et évaluer l’impact
  • Contrôler et assurer le reporting

 

Il est important de bien suivre ce processus puisque, grâce à lui, vous vous assurerez de bien comprendre le problème que vous essayer de résoudre, tout en fixant les objectifs concrets et pertinents de votre contribution. Cette approche vous permettra également de :

  • Déterminer les intrants et les activités nécessaires pour atteindre les objectifs fixés
  • Définir les résultats et les extrants appropriés pour vous-même et pour vos bénéficiaires
  • Dresser une liste de critères que vous devriez exiger de vos bénéficiaires
  • Utiliser les données recueillies pour déterminer et définir les mesures correctives si les résultats ne correspondent pas aux attentes

Cette étape est clé dans la définition de votre stratégie d’impact.

 

Actes d’engagement

Mener une politique d’investissement à impact implique un réel engagement auprès des bénéficiaires et ce tout au long du partenariat, autant dans la phase de screening, de due diligence, de sélection, que dans l’accompagnement une fois l’investissement ou le soutien amorcé. Nous vous conseillons d’ailleurs d’opter pour une méthode de « sélection positive » des projets qui vous sont présentés.

Nous vous invitons aussi à suivre les structures que vous aurez choisies de manière rigoureuse, et de ne pas avoir peur d’être orienté management et évaluation de l’impact avec elles. Il n’est par exemple pas rare de voir des investisseurs aux comités de pilotage des projets qu’ils soutiennent, afin qu’ils puissent apporter toutes leurs expertises et compétences stratégiques. Il sera par ailleurs primordial de co-construire, avec votre porteur de projet, des critères et items d’évaluation de l’impact.

Enfin, et parce que c’est la raison pour laquelle vous vous êtes lancés dans cette affaire, nous vous invitons à largement défendre vos bénéficiaires et entrepreneurs sociaux qui peuvent s’enorgueillir d’un impact social positif. Aussi petit soit-il, il est une base sur laquelle il faut construire !

 

II - Penser son retour sur investissement

Il ne faut pas avoir peur de le dire, la Venture Philanthropy – et c’est d’ailleurs clairement explicite dans son propre nom – peut considérer des retours sur investissements selon le mode de financement choisi.

Nous pourrons classer les investisseurs « pour l’impact » en trois catégories[1] :

- les bailleurs de fonds, qui accordent des subventions, dons ou bourses, et qui par conséquent ne s’attendent à aucun «  retour sur investissement » (ROI -100%)

- les prêteurs, qui accordent des subventions recouvrables ou des prêts à taux zéro, et qui attendent simplement un remboursement du capital sans intérêts quelconques (ROI 0%)

- les investisseurs sociaux, qui visent différents niveaux de rendements financiers positifs (mais très souvent largement inférieurs au taux du marché boursier – ROI faible%)

 

Dans tous les cas, et pour chacune de ces 3 catégories, il est important de se rappeler que ce ne sont pas sur les rendements financiers que se prennent les décisions d’investissements. Un investisseur pour l’impact « parie » plus ou moins sur un projet dans lequel il croit, et pour lequel il espère un impact social positif. Si le bénéficiaire ou l’entrepreneur social qui reçoit l’aide atteint la viabilité financière, avec un impact garanti, alors la question du ROI ne posera plus aucun problème éthique. Ainsi, les attentes de rendements financiers ne représentent pas un obstacle à la poursuite d’un impact social incertain mais cohérent. D’ailleurs, les investisseurs pour l’impact seront prêts à renoncer à une partie de leur rendement financier pour obtenir un impact social plus élevé. Le ROI est ici considéré comme un moyen d’atteindre une fin, et non une fin en soi.

 

III - Anticiper la gestion du risque

Par définition, l’appétence au risque pour les investisseurs « pour l’impact » est forte, puisqu’elle considère autant – voire uniquement pour les structures pratiquant le don – la recherche d’impact que le ROI. Le financement de l’innovation sociale est par définition risqué, puisqu’il permet de tester des nouveaux modèles et des nouvelles approches encore inconnues. C’est une expérimentation !

Il vous sera donc important de garder en tête de :

  • Prendre des risques opérationnels plus élevés si cela signifie obtenir un impact social majeur
  • Effectuer une évaluation explicite des risques sociaux et financiers (en tenant également compte des risques associés au fait de ne pas atteindre l’impact désiré)
  • Tenir compte de l’impact négatif potentiel (et des impacts collatéraux)
  • Trouver des moyens d’atténuer le risque (investissement dans un portfolio de projets par exemple)

 

Léo Gaudin,
Responsable Développement et Événements, Admical
Expertises : Venture Philanthropy, Recherche & Enseignement Supérieur

 


[1] L’EVPA distingue en effet deux approches : l’investissement « pour l’impact » (l’impact étant l’objectif numéro 1 recherché) qui est traité dans cet article, et l’investissement « avec impact » (l’impact étant un objectif secondaire).

 

 

 

 


 

 

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