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[Collective Impact] 3 questions à... Yoann Geffroy, directeur de Favart

Expertise

"L’approche Collective Impact implique de sortir d’une organisation verticale afin de privilégier une approche écosystémique."
 
 
 
L’évaluation et la maximisation de l’impact constituent des problématiques très actuelles pour les mécènes et fondations qui financent certains projets. Le Collective Impact s’inscrit-il dans cette tendance de fond ?

Selon moi, la première dimension du Collective Impact n’est pas tant l’évaluation mais relève d’une communauté d’action, c’est-à-dire la création d’une « communauté de l’improbable » qui réunit des acteurs très différents mettant à disposition leurs compétences spécifiques pour apporter une partie de la solution à un problème du territoire.

L’approche Collective Impact implique de sortir d’une organisation verticale afin de privilégier une approche écosystémique. Deux éléments sont donc essentiels pour élaborer un plan d’action efficace : l’hétérogénéité des acteurs et cette approche horizontale qui implique que chacun d’entre eux soit connecté au territoire, d’une manière ou d’une autre, car bien qu’il existe des enjeux de société globaux tels que le climat qui doivent mobiliser l’ensemble de la communauté, nous considérons que les réponses opérationnelles à apporter sont ultra-locales, et qu’en matière d’innovation sociale, le sur-mesure est nécessaire et l’adaptation permanente, le copier-coller ne fonctionne pas. Il n’en reste pas moins tout à fait possible d’essaimer par la suite des projets qui ont fonctionné en les adaptant en fonction des besoins de nouveaux territoires.

Concernant la mesure de l’impact, celle-ci est effectivement importante. Mais, avec un nombre élevé d’indicateurs, elle peut aussi parfois être anxiogène. Il est donc nécessaire de l’organiser clairement pour la rendre lisible et efficace, en prenant en compte trois variables essentielles : le domaine que l’on cherche à évaluer, le destinataire du bilan d’évaluation (par exemple, les indicateurs ne seront pas les mêmes si l’on s’adresse à une association ou un fonds de financement), et l’échelle de temps.

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Le Collective Impact est une nouvelle approche très intéressante de la philanthropie. Mais ne se fait-elle pas au détriment d’autres initiatives, tout aussi nécessaires mais moins visibles, en manque de moyens au quotidien ?

Il existe en effet des associations qui n’ont pas les ressources nécessaires pour solliciter des intervenants extérieurs. Mais ceci n’est pas le cas de toutes les petites associations. Notre expérience au sein de Favart nous démontre qu’il existe des petites structures qui réussissent à fédérer autour de leur projet d’autres acteurs locaux désireux de les accompagner.

La méthode écosystémique du Collective Impact peut s’appliquer à tout type de structure, à partir du moment où les coûts sont portés par d’autres acteurs de cette « communauté de l’improbable ». Chacun d’entre eux peut répondre à sa manière aux besoins de l’association, financièrement ou via la mise à disposition d’autres moyens, pour lui permettre de se doter de tous les outils nécessaires à la réalisation du projet.

Au-delà de la taille de l’association, de ses ressources, de la maturité du projet, la véritable question est de savoir si celui-ci répond à une problématique du territoire à laquelle différents types de structures souhaiteraient répondre, car si l’ambition est commune, la mobilisation des ressources en sera facilitée.

 

Comment accompagnez-vous les structures désireuses de se lancer dans un programme à « impact collectif » ?

Nous sommes en lien avec la majorité des acteurs des secteurs du logement, de l’énergie et de la santé. Ainsi, grâce à cette connaissance, notre premier objectif est de réussir à construire ces « communautés de l’improbable » et de créer des partenariats entre sphères publique, privée et associative innovants. Il s’agit avant tout de déterminer précisément les besoins et d’identifier les acteurs susceptibles d’y répondre, et ce quel que soit leur profil (secteur traditionnel, de la philanthropie ou de l’ESS par exemple). Le réseau de l’EVPA nous est en cela très utile puisqu’il réunit les structures déjà impliquées ou désireuses de le faire dans la venture philanthropy – des contacts susceptibles d’être intéressés par le type de projets que nous présentons.

Ensuite, il s’agit d’organiser l’idée, d’en faire un prototype pour l’expérimenter sur le territoire à plus ou moins long-terme en fonction de la complexité du projet, c’est-à-dire de déterminer comment faire émerger l’idée d’innovation sociale « du lab à l’usine ». Lors de la phase d’amorçage (de la conception au prototypage), le rôle des fondations est déterminant. En phase d’expérimentation et d’essaimage,  la vision devient plus entrepreneuriale avec une logique d’investissement.

Enfin, pour exister de façon pérenne, les innovations ont besoin de nouveaux outils juridiques et financiers où les impacts sociaux et environnementaux sont monétisés et viennent nourrir le business model des porteurs de projet. Nous proposons donc à ces derniers de mettre en place ces outils, tout comme les modèles évaluatifs  qui permettront à la fois de mesurer l’efficacité sociétale du projet et d’alimenter le modèle économique à impact sur lequel repose son développement. 

Il n’y a donc plus d’opposition entre lucratif et non lucratif, entre une économie qui détruit et une autre qui répare. Ces nouveaux modèles hybrides visent à maximiser l’impact sociétal (« Impact first ») tout en proposant un retour financier possible pour les investisseurs.

 

Propos recueillis par Diane Abel

 

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