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[DOSSIER] Pour une stratégie de financement repensée - Art.2 : les frais de (re)structuration

Comptes-rendus d’événements

À l’occasion du Mécènes Forum organisé par Admical les 24 et 25 novembre 2020, Céline Laurichesse et Dorothée Corbier, directrices associées de l’agence conseil Assemble, ont animé un atelier baptisé “Pour une stratégie de financement repensée : frais de fonctionnement, mesures d’impact et (re)structuration”. Voici le deuxième volet du compte-rendu de cet événement.

Construit autour d’exemples très concrets, l’atelier avait pour vocation de montrer qu’il est possible de sortir d’une logique de financement exclusif des frais directement liés à des projets pour prendre en considération des enjeux plus larges. Parmi ceux-ci : la (re)structuration, dont peut dépendre la viabilité des projets et de l’organisme qui les porte.

Il est des moments dans la vie d’un organisme d’intérêt général où la question de la (re)structuration se pose. À ses débuts, pour se mettre en ordre de marche optimal afin de conduire le projet d'intérêt général qu'il s'est fixé, comme à d’autres étapes de son cheminement, qu’il s’agisse de se développer pour étendre son action ou répondre à des besoins croissants, de réorienter sa stratégie pour faire face à des problématiques nouvelles, ou bien encore de faire face à l’urgence. Il doit alors assumer des investissements ponctuels, par exemple pour mener des études, acheter du matériel, adapter et digitaliser ses pratiques, renforcer et former ses équipes salariées et/ou bénévoles, développer un réseau sur le territoire, essaimer ses actions...
La période de crise actuelle exacerbe les questions structurelles qui se posent aux porteurs de projets pour s’adapter aux circonstances sociales et économiques. Elle les pousse à adapter leur mode opératoire, leur stratégie, leur modèle économique, voire à repenser leur projet d’intérêt général.

Or, comme pour les frais de fonctionnement , les acteurs du mécénat peuvent être réticents à sortir d’une logique de financement direct des projets pour soutenir la (re)structuration d’un organisme.

Voici quelques exemples très concrets de mécènes qui ont fait ce choix.

 

3 exemples de financement de frais de (re)structuration

> La Fondation FDJ

La Fondation FDJ soutient certains projets dans le cadre d’un changement d’échelle, du développement d’une innovation sociétale, d’une problématique de structuration, voire une combinaison de ces différents types d’enjeux. Elle a par exemple soutenu financièrement le Réseau Etincelle – qui œuvre pour l’insertion socio-professionnelle des jeunes dits “décrocheurs” – afin de l’aider à supporter des frais de structure et d’ingénierie nécessaires pour adapter son modèle et le déployer plus largement. L’association avait notamment besoin de faire appel à des professionnels du coaching pour concevoir des supports pédagogiques, de formaliser et diffuser ses processus pédagogiques, de restructurer les formations des animateurs pour une meilleure appropriation… “Nous leur avons également proposé nos locaux de Vitrolles pour réaliser des stages avec les bénéficiaires et les avons mis en contact avec la mairie et les collectivités territoriales. Notre soutien a été considéré comme gage de confiance, drainant le soutien d’autres partenaires plus locaux qui sont devenus des relais territoriaux. L’association a ainsi pu s’implanter et pérenniser son action au-delà de notre soutien de 3 ans”, explique Alexandra Perrier, Responsable Programme et Communication de la Fondation FDJ.

 

> La Fondation CHANEL

À l’été 2020 et pour la deuxième année consécutive, la Fondation CHANEL a lancé en France un appel à candidatures baptisé “L'Échelle”. L’objectif : participer au renforcement de l’écosystème des organisations engagées sur les thématiques liées à l’égalité femmes-hommes, en offrant l’opportunité aux structures de petite taille avec lesquelles elle ne travaille pas habituellement de présenter un besoin et non un projet. À travers “L’Échelle”, la Fondation a identifié des structures de moins de 10 salarié.e.s ayant un budget annuel inférieur à 500 000 € et faisant face à un besoin structurel pour surmonter la crise, assurer la continuité des missions en période post Covid-19 et/ou permettre un passage à l’échelle.

Le soutien apporté, avec une enveloppe d’un montant de 20 000 € ou de 50 000 €, doit permettre de consolider la structure sur le long terme et non pas financer ses opérations courantes.

Preuve de l’urgence des besoins face à la crise : la fondation a reçu près de 200 candidatures en juin 2020 alors même que l’appel à candidatures ne s’adressait qu’à des structures d’intérêt général en France œuvrant sur le thème de l'égalité femmes-hommes.

 

> La Fondation de l’Orangerie

La Fondation de l’Orangerie offre une délégation de gestion de programmes philanthropiques aux clients de BNP Paribas Wealth Management (le métier international Banque Privée de BNP Paribas) qui souhaitent soutenir des organisations et projets d’intérêt général spécifiques. La Fondation de l’Orangerie finance notamment les transformations “structurantes” de ses partenaires, c'est-à-dire tout ce qui permet de lever des freins, des manques ou ce qui menace l’activité de la structure bénéficiaire, entravant son efficacité et ses capacités de développement.

Dans la lignée de cette approche et dans le contexte spécifique lié à la Covid-19, la fondation a conçu une proposition d’appui à ses partenaires avec 3 axes :

  • “Réagir”, pour couvrir des dépenses exceptionnelles liées à la mise en place de dispositifs de réponse à la crise et ayant vocation à se pérenniser ;
  • “Surmonter”, pour financer la restructuration de l’activité (identification des dépenses compressibles, des recettes en danger et des potentialités de revenus alternatifs) ;
  • “Renforcer”, pour accompagner un renforcement structurel (basé notamment sur la capitalisation des enseignements tirés des mesures de pilotage d’urgence et les évolutions du contexte sociétal).

Concrètement, “si le besoin est d’acheter 100 000 masques, la Fondation de l’Orangerie ne les financera pas, car ce n’est pas un besoin structurant. En revanche, nous pourrions financer un projet qui consisterait par exemple en l’analyse de la population de bénévoles dans le cadre d’une stratégie de renouvellement des forces bénévoles, ainsi que leur formation aux mesures sanitaires ”, explique Nathalie Sauvanet, directrice de la Fondation de l'Orangerie et Responsable du Conseil en Philanthropie de BNP Paribas Wealth Management. Autre exemple : “si la structure a un enjeu de digitalisation, la Fondation de l’Orangerie pourra financer l’analyse des besoins, des outils à mettre en place, la structuration de la feuille de route… mais pas l’achat des logiciels ou des ordinateurs.

 

Quels enseignements tirer de ces partages d’expérience ?

Concrètement, il apparaît que :

  • la relation partenariale est primordiale et implique de bien comprendre la mission d’intérêt général de l’organisme, son écosystème et les défis qu’il rencontre, de favoriser un climat confiance mutuelle et d’inscrire le soutien dans la durée tout en préparant son échéance ;
  • une piste, évoquée par une participante à l’atelier, est d’ailleurs de soutenir la structuration des efforts de fundraising (RH, communication, mise en réseau), permettant à l’OSBL d’être plus autonome lorsque le mécène se retire ;
  • l’intérêt des mécènes pour la dimension "changement d'échelle" et essaimage des projets associatifs s’intensifie, phénomène confirmé par les témoignages de représentants d’associations au cours de l’atelier ;
  • ce changement d’échelle nécessite, pour les structures, de parvenir à concilier équilibre économique et maximisation de l'impact social, ce dernier étant la finalité d'une telle démarche.

 

Céline Laurichesse et Dorothée Corbier

 

 

 

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