Vers plus de sécurité juridique pour le mécénat de compétences
Article mis à jour le 15 avril 2024
Après un long parcours parlementaire, la loi visant à "Soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative" a enfin été adoptée ce 15 avril 2024. Ce texte contient des mesures attendues depuis plusieurs années par le secteur. Il est l'aboutissement d'un plaidoyer collectif porté par la Coalition Générosités et mené activement par ADMICAL, France générosités, le Centre français des fonds et fondations et le Mouvement associatif ainsi que Pro Bono Lab et Alliance pour le Mécénat de Compétences (AMC).
Parmi les mesures importantes de texte, ADMICAL a particulièrement porté le sujet de l'élargissement du mécénat de compétences. On fait le point !
Le mécénat de compétences c'est quoi ?
Un dispositif qui permet à une entreprise de mettre à disposition gratuitement certains de ses collaborateurs sur leur temps de travail au bénéfice d’un organisme d’intérêt général.
Le mécénat de compétences peut être réalisé sous deux formes :
- La prestation de service : l’entreprise réalise une mission déterminée et délimitée au profit d’un organisme d’intérêt général, éligible au mécénat ;
- Le prêt de main-d’œuvre : l’entreprise met à disposition d’un organisme éligible au mécénat un ou plusieurs de ses salariés.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre fiche repère.
Calendrier parlementaire
20 juillet 2023 : Dépôt de la Proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale
15 novembre 2023 : Nomination du rapporteur Quentin Bataillon
16 novembre 2023 : Engagement de la procédure accélérée
Novembre et décembre 2023 : Dépôt d'amendements
28 novembre et 4 décembre 2023 : Examen du texte en commission des affaires culturelles et dépôt du texte de la commission
31 janvier 2024 : Examen des amendements et adoption du texte en première lecture à l'Assemblée nationale
Février 2024 : Dépôt d'amendements
13 mars 2024 : Discussion en séance publique au Sénat
27 mars 2024 : les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont trouvé un accord sur une version finale du texte
2 avril 2024 : discussion en séance publique et adoption du texte par le Sénat
8 avril 2024 : discussion en séance publique et adoption du texte par l'Assemblée nationale
Admical fait le point sur les dispositions venant sécuriser le cadre juridique mécénat de compétences des entreprises :
Quelques mots sur le contexte
Les articles L.8241-1 et L.8241-2 du code du travail posent l’interdiction de prêt de main d’œuvre à but lucratif ainsi que l’exception du prêt de main d’œuvre à but non-lucratif lorsqu’il est refacturé à l’euro près par l’entreprise prêteuse à l’organisme bénéficiaire. A défaut de cadre juridique dédié, le mécénat de compétences sous forme de prêt de main d’œuvre à but non lucratif a été en pratique encadré par ces articles, afin de sécuriser juridiquement les opérations et de protéger les salariés prêtés.
En 2017, l’ordonnance n° 2017-1387 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a introduit un nouveau dispositif de prêt de main d’œuvre à but non lucratif au profit des PME et des jeunes entreprises. Ce mécanisme ad hoc, codifié à l’article L.8241-3 du code du travail, permet aux entreprises d’éviter le risque de voir leurs opérations de prêt de salariés requalifiées en délit de marchandage lorsqu’elles ne donnent lieu à aucune refacturation.
Ce dispositif ne visait pas le mécénat de compétences et les deux mécanismes demeuraient indépendants. Toutefois, en 2018, l’article L.8241-3 du code du travail est modifié et les organismes d’intérêt général mentionnés aux a à g du 1 de l'article 238 bis du code général des impôts (CGI) sont désormais expressément visés.
Cette mention des organismes visés par l’article 238 bis du CGI créé une insécurité juridique pour plusieurs raisons. Le législateur n’indique pas si le régime dérogatoire de l’article L.8241-3 du code du travail est exclusif et s’il doit désormais être considéré comme le fondement exclusif pour le mécénat de compétences. Ainsi, sans indication du cadre à préférer, les structures mécènes se trouvent dans l’impossibilité de déterminer avec certitude le cadre juridique qui leur serait applicable.
En outre, s’il s’avérait que le régime dérogatoire de l’article L.8241-3 du code du travail était le seul fondement possible, alors cela entraînerait l’impossibilité pour les entreprises de moins de 5 000 salariés de faire du mécénat de compétences, excluant ainsi toutes les PME et ETI françaises du mécanisme du mécénat de compétences. Or, ces structures représentent 99,9% des entreprises en France en 2023 (Les entreprises en France, Insee, 2023).
Par ailleurs, la limitation des missions de mécénat de compétences à deux ans va à l'encontre des pratiques constatées au sein des grandes entreprises mécènes, qui font majoritairement du mécénat de compétences sous forme de mise à disposition longue durée de leurs salariés auprès de leurs fondations d’entreprise ou d’autres véhicules juridiques dédiés à leur politique de mécénat. La limitation à deux serait également en opposition avec l’esprit même du mécanisme de mécénat, qui permet aux organismes sans but lucratif de bénéficier des compétences de salariés qualifiés, indispensables à leurs missions d’intérêt général sur un temps long.
La clarification du régime juridique applicable était donc vitale, afin d’assure sa lisibilité et permettre aux acteurs de l’intérêt général d’avoir recours au mécénat de compétence en toute sécurité. Admical a activement participé à la sécurisation du dispositif. L’adoption de cette proposition de loi est une étape essentielle en faveur de plus de sécurité juridique. Elle permet de clore le débat sur la possibilité pour les petites et moyennes entreprises d’avoir recours au mécénat de compétences (I) et d’allonger le dispositif de 2 à 3 ans (II).
Ouverture du mécénat de compétences aux entreprises de moins de 5 000 salariés
Que dit le texte ? Il vise à clarifier et à sécuriser le dispositif relatif à la mise à disposition gratuite de salariés au profit d’organismes d’intérêt général en l’élargissant aux entreprises de moins de 5 000 salariés.
Pourquoi ? La suppression du seuil de 5 000 salariés, prévue par l’article L.8241-3 du code du travail, en cas de prêt réalisé au profit de personnes morales dont la liste est fixée aux a à g du 1 de l’article 238 bis du CGI, pourrait permettre de sécuriser le dispositif. Il offrirait un fondement juridique clair aux petites et moyennes entreprises pour encadrer leurs opérations de mécénat de compétences sous forme de prêt de main d’œuvre.
En effet, cela s’inscrit dans les objectifs et les besoins identifiés par Admical. Le baromètre du mécénat d’entreprises de 2022 a d’ailleurs montré que le mécénat de compétences constitue un levier de développement majeur pour les entreprises. En 2021, 15% des entreprises mécènes pratiquaient le mécénat de compétences. Parmi les PME et les ETI assujetties à l’impôts sur les sociétés, 12% et 4% respectivement ont déclaré avoir réalisé des dons de mécénat de compétences en 2020. Pour 23% des PME et 18% des ETI ; développer le mécénat de compétences est donc une priorité en matière de stratégie de mécénat. De manière générale, le mécénat de compétences se confirme comme un levier prioritaire dans la stratégie de mécénat pour 25% des entreprises mécènes.
Allongement du mécénat de compétences de 2 à 3 ans
Que dit le texte ? Il vise à allonger, de deux à trois ans, la durée maximale de mise à disposition des salariés impliqués dans un dispositif de mécénat de compétences tel que prévu à l’article L. 8241‑3 du code du travail.
Pourquoi ? En effet, les mises à disposition des salariés dans le cadre de cette forme de mécénat de compétences ne pouvaient excéder deux ans.
Or, nous avons fait part des besoins de mises à disposition sur des durées plus longues. L’inscription dans la durée constitue un élément crucial pour un tel dispositif, permettant de répondre aux attentes d’engagement des salariés d’une part et d’accompagnement des associations d’autre part.