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S’approprier le mécénat tout en le préservant, le défi des entreprises engagées

Paroles de mécènes

Marianne Eshet, Déléguée Générale de la Fondation Groupe SNCF
Alors que le secteur du mécénat se professionnalise et que la recherche d’impact devient une question de plus en plus pregnante, de nombreux mécènes s’interrogent sur la meilleure manière d’intégrer leurs actions philanthropiques à la stratégie d’entreprise. Marianne Eshet, Déléguée Générale de la Fondation Groupe SNCF, revient sur les enjeux soulevés par ces questions et nous livre les orientations décidées par le Groupe.
 
 
1/ Depuis les premières actions de la fondation en 1995 jusqu’à maintenant, comment s’est déployée la stratégie globale de mécénat au sein de l’entreprise ?

De grandes étapes ont marqué l’évolution de la Fondation SNCF pour lui donner le visage qu’elle a aujourd’hui.

                                                      

 A ses débuts, la fondation était sous l’égide de la Fondation de France et avait principalement pour objet de soutenir les projets portés par les cheminots, à travers le programme « Coups de Cœur Solidaires ». En 2001 elle prend son autonomie, devenant fondation d’entreprise. Ensuite, l’année 2008 marque un véritable tournant. Guillaume Pepy, président de SNCF, décide de décentraliser la fondation à l’image de l’organisation de l’entreprise. Ainsi, avec la création d’un réseau de correspondants dans les 22 régions de l’époque, la territorialisation de la fondation était enclenchée (appels à projets territorialisés, jurys régionaux, dotations dédiées…). C’est donc à travers les prismes de l’engagement des collaborateurs et de l’action locale que la fondation s’est développée, en cohérence avec les valeurs et la stratégie de SNCF.

En 2016, nous sommes allés plus loin, avec la création de la Fondation Groupe SNCF. Cela a demandé un long travail de réflexion et de co-construction pour à la fois capitaliser sur l’histoire de la Fondation et intégrer celle des 5 nouveaux membres (SNCF, SNCF Mobilités, SNCF Réseau, SNCF Logistics et Keolis). Cet élargissement a entraîné un déploiement à l’international (Maroc, Inde, Australie, Sénégal…)

Il était également indispensable de mettre en place un nouveau modèle de gouvernance permettant d’assurer une juste représentation de l’ensemble des entités du Groupe, aussi bien au niveau national que dans les régions.

« Pour mieux vivre ensemble »  constitue la raison d’être de la Fondation SNCF qui s’articule autour de trois domaines : l’éducation, la culture et la solidarité et s’appuie sur trois leviers : la co-construction, l’ancrage régional et l’engagement des salariés avec le mécénat de compétences. Avec environ 1000 projets soutenus par an, le budget annuel actuel atteint 5 millions d’euros, dont 4 sont dédiés aux projets locaux.

 

2/ La SNCF distingue-t-elle la RSE du mécénat ? Comment ces deux modes d’action sont-ils articulés ?

A la SNCF, la question de l’articulation entre RSE et mécénat ne s’est jamais réellement posée. Le réseau des correspondants en région a joué un rôle fondamental intégrant les deux modes d’engagement de l’entreprise. En effet, depuis le début, ils portent une double casquette, consacrant la moitié de leur temps à des actions sociétales et l’autre au mécénat. Si la finalité est différente, la démarche est souvent commune : action de terrain avec des partenaires associatifs ou des structures sociales…

Ainsi, notre approche est globale, et les reportings annuels du Groupe rendent compte de l’engagement sociétal de celui-ci, en intégrant à la fois le mécénat et la RSE.

Le mécénat de compétences en est une parfaite illustration. Piloté par la Fondation SNCF, le dispositif s’appuie sur l’engagement des salariés SNCF et crée des ponts entre l’entreprise et son environnement. Répondant aux besoins en compétences des associations, le dispositif illustre également l’engagement sociétal de l’entreprise.

A tous les niveaux du Groupe SNCF, RSE et Fondation, tout en respectant leur périmètre, travaillent main dans la main. Le Conseil d’administration de la fondation travaille en collaboration avec la direction RSE. L’équipe de la délégation nationale met en oeuvre la stratégie et anime la coordination des interlocuteurs nationaux et territoriaux. Enfin, les délégations régionales pilotent les programmes au plus près des besoins locaux.

 

3/ Selon vous, comment peut-on aller plus loin pour encourager le développement d’un modèle de mécénat totalement intégré à l’entreprise ? Cela est-il réellement une nécessité ? Existe-t-il des risques ?

C’est une vraie question que la plupart des grandes entreprises se posent aujourd’hui.

A mon sens, le mécénat peut et doit être intégré à la stratégie de l’entreprise, et cela à tous les niveaux, de façon à la fois vertical et horizontal.

En revanche, préserver la philosophie du mécénat et sa singularité reste indispensable, et pour cela, l’existence d’une fondation apporte des garanties. Avoir une structure autonome sécurisée par un cadre juridique défini permet en effet de disposer d’un périmètre d’action spécifique et d’être garant de certaines valeurs, ce qui est bénéfique pour tous. Ainsi, la formule de Jacques Rigaud, fondateur d’Admical, reste d’actualité : « la fondation est la forme la plus aboutie du mécénat ».

Trouver l’équilibre entre l’autonomie de la fondation et son intégration dans l’entreprise est un exercice difficile. Mais ma conviction est que c’est avant tout l’intérêt général qui doit guider nos actions, via la RSE ou le mécénat. Si le risque d’une confusion est possible, il vaut néanmoins la peine d’être pris.

Apporter des solutions aux enjeux sociaux et sociétaux, telle est notre ambition, et se retrancher derrière une distinction pure et dure entre mécénat et RSE ne peut que freiner l’action.

Chacun dans son domaine peut agir et l’énergie déployée doit servir le bien commun. Laissons derrière nous ces querelles de chapelles, agissons ensemble et autrement face à la complexité des défis actuels !

Le « mieux vivre ensemble » ne se décrète pas, il se construit jour après jour et toutes les formes d’action sont nécessaires pour inventer l’entreprise responsable et engagée du 3ème type.

 

Propos recueillis par Diane Abel

Pour en savoir plus :

Sur la Fondation Groupe SNCF

> Retrouvez le rapport 2017 de l’engagement sociétal du Groupe ici

« Donner la chance à chacun de s’engager » : redécouvrez l’interview de Marianne Eshet sur le thème de l’engagement citoyen

 

 

Ce site est réalisé grâce au mécénat de