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L’Univers carcéral, un domaine d’engagement encore méconnu et pourtant très actuel

Paroles de mécènes

Sujet souvent délicat, difficile d’accès et surtout clivant, l’engagement auprès des prisons ne plaît pas à tout le monde, et en dehors de l’action publique, il n’est pas toujours facile de changer l’image de l’univers carcéral. Mais au-delà de l’image, dans un contexte social en tension avec une recrudescence du nombre d’actes de violence et terroristes, le sujet carcéral appelle à une approche collective, y compris avec les entreprises désireuses de s’engager sur ce sujet majeur, pourtant parfois ignoré.

En 2010, l’association Prisons du Cœur a mené des actions pour améliorer les conditions de vie des détenus, soutenue par de très nombreuses entreprises comme Orange, EDF, Axa, Schneider Electric.

Du côté des fondations, la Fondation M6, mécène phare de l’engagement dans l’univers carcéral depuis plus de 10 ans, en a fait son axe principal d’intervention, avec pour objectif la réinsertion socioprofessionnelle des personnes ayant connu un épisode carcéral. En sept ans, la fondation a mobilisé plus de 3,5 millions d’euros pour plus de 18 000 détenus soutenus.

 

Autre mécène particulièrement impliqué sur le sujet, la Fondation OL (Olympique Lyonnais) qui intervient notamment auprès des jeunes détenus.

Rencontre avec Maëlle Trarieux, Déléguée Générale de la Fondation OL.

Comment vous êtes-vous engagés dans l’univers carcéral ?

Dans le cadre de notre thématique de l’insertion et de l’emploi, nous avons commencé à nous intéresser à l’univers carcéral, à travers notre soutien à l’association Les Prisons du Cœur (Ensemble contre la Récidive) afin de lutter contre le choc carcéral et le taux de récidive important chez  les personnes ayant été condamnées à des courtes et  moyennes  peines.

En 2015 nous avons également mené un projet avec la prison de Corbas où nous avons organisé six séances d’entraînement avec Raymond Domenech et le coach  du staff technique de l’équipe professionnelle de l’époque.

 
Vous avez très récemment mené une action dans une prison pour mineurs. Comment le projet est-il organisé, quels en sont les objectifs ?

Le Groupama Stadium est situé à moins de 500 mètres d’un établissement pénitentiaire pour mineurs. Notre démarche depuis que nous avons investi notre nouveau stade est de créer du lien avec notre territoire de l’Est Lyonnais, dans une démarche d’ouverture et d’innovation sociale. Il était donc naturel d’aller à leur rencontre et d’envisager des projets communs.

Nous avons donc rencontré la Direction de la prison pour mieux connaître leurs enjeux et proposer des actions. Il a notamment fallu tenir compte des contraintes liées à la détention et au milieu carcéral en général. Aujourd’hui, plusieurs pistes en sont ressorties, notamment l’aide à l’orientation professionnelle des jeunes mineurs. Le but est de faire du cas par cas, de construire ces actions en fonction des aspirations et des projets professionnels des jeunes : rien qu’au Groupama Stadium, nous pouvons illustrer ou présenter de nombreux métiers, comme la restauration, la logistique, la sécurité, l’accueil ou le service clients.

Nous avons déjà initié un programme d’entraînement de foot par le staff de l’OL à destination des jeunes mineurs. Nous avons effectué une première séance avec le staff de l’équipe féminine dans un gymnase de la prison pour une quinzaine de jeunes dans le cadre de leur programme d’activités sportives. D’autres séances sont prévues avec le staff de l’équipe masculine et le staff de l’équipe réserve.

Notre but n’est pas d’être là à temps plein, mais avec ces visites, de venir leur montrer qu’ils ont une valeur à nos yeux, en tant qu’individu. Le sport est un moyen d’affronter les difficultés pour percevoir un avenir, et c’est ce que nous souhaitons pour eux.

 

Le sujet carcéral est un sujet délicat et compliqué. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées à travers cet engagement ?

Effectivement, ce n’est pas un univers dans lequel on se précipite. Nous avons une connaissance certaine de ce sujet grâce à notre expérience avec le soutien de l’association Ensemble contre la récidive. Mais l’univers carcéral n’est pas un milieu dans lequel on va s’insérer facilement.

D’abord il faut tenir compte des règles de l’administration pénitentiaire : il faut communiquer la liste des intervenants en amont, il y a une fouille à l’entrée, la vérification des cartes d’identité, les prises de photos ou de vidéos sont très encadrées… Ensuite c’est un lieu qui est psychologiquement particulier : lorsque l’on intervient dans une prison, nous sommes face aussi à des comportements de détenus parfois très agressifs, entre eux ou vis-à-vis des visiteurs. Ce n’est pas neutre d’emmener quelqu’un dans une prison.

 
Comment la Fondation OL se place-t-elle dans cette problématique sociale de l’univers carcéral ?

L’univers carcéral est un domaine qui peut être clivant. A la Fondation OL, cette action est réfléchie et structurée : elle fait partie d’un tout, c’est-à-dire de notre axe « insertion par le sport » et nous nous appuyons sur notre expérience de 10 ans et sur la légitimité des acteurs qui nous accompagnent dans ce domaine, comme Sport dans la Ville ou Nes & Cité.

 
D’après vous, pourquoi les mécènes s’intéressent-ils aujourd’hui à l’univers carcéral ?

Il y a eu un changement de problématique dans l’univers carcéral. Il y a dix ans, les problématiques étaient liées surtout à la surcharge des prisons et aux conditions de vie insalubres des détenus.  

Petit à petit le débat a glissé et aujourd’hui, beaucoup d’organisations luttent contre la radicalisation des détenus, de manière encore plus urgente. Cette prise de conscience a donc permis de s’intéresser et de s’engager de manière plus importante dans ce domaine. Aujourd’hui, on ne veut plus que la prison soit un lieu de recrutement de futurs terroristes, et à partir de ce moment-là, l’univers carcéral est un vrai sujet d’intérêt général, il concerne tout le monde.

 
Comment imaginez-vous la suite de ce projet ?

Nous avons à cœur de renforcer ce partenariat et de créer des liens avec toutes les composantes de la prison, qu’il s’agisse des détenus ou des surveillants de prison. Deux groupes de surveillants sont déjà venus visiter le stade, d’autres sont venus assister à des matchs.

Enfin, suite à un appel à projets lancé dans le cadre des 10 ans de la Fondation OL, le jury de sélection a retenu le dossier d’une association « Le lien théâtre » qui intervient dans cet établissement pour mener des actions de médiation par le théâtre pour sensibiliser les jeunes à la violence physique et verbale et sur ses conséquences. Ce projet sera soutenu financièrement, comme les 39 autres associations de la région qui ont reçu l’approbation des jurys.

Depuis plus de 10 ans, la Fondation de l’Olympique Lyonnais porte des engagements sociaux et soutient des projets d'intérêt général à travers le sport amateur, la santé, l’éducation, la jeunesse et l’emploi. Ces grandes thématiques ont guidé depuis de nombreuses années les actions de la Fondation à travers des partenariats forts pour optimiser l’impact social et mettre en lumière les acteurs soutenus.

 

Propos recueillis par Juliette Boucher

@JulietteBch

 

 

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