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Construire de la confiance, la mission actualisée du mécénat de Total
Paroles de mécènes
La fondation d’entreprise Total fête cette année son 25ème anniversaire. Après avoir été dirigée par des communicants, elle l’est aujourd’hui par une scientifique. Ce changement accompagne-t-il une évolution des missions de la fondation ?
Un changement beaucoup plus significatif est que la fondation et le mécénat sont désormais intégrés dans une nouvelle direction du groupe qui s’appelle la direction de l’engagement société civile. Cette direction est chargée de construire toutes les formes de dialogue que Total veut engager avec la société au fil de ses programmes. Cela posé, il est clair que ces programmes vont bien sûr évoluer avec la sensibilité des équipes mises en place et la mienne qui est, effectivement, la sensibilité d’une scientifique entrée dans le groupe en 1982 comme ingénieur, puis dirigeante, mais aussi celle d’une personne qui a travaillé trois ans durant dans les ressources humaines.
Comment abordez-vous vos nouvelles fonctions?
La direction qui m’est confiée est un des éléments clés pour construire la confiance que le groupe veut établir avec le public par un dialogue permanent. Ce n’est pas le seul et ce dialogue serait vain si par ailleurs le groupe n’apportait pas des preuves concrètes dans la réalisation de ses métiers quotidiens, mais il est important. Au demeurant, c’est pour cela que ma direction est aussi responsable de l’alignement du groupe sur les objectifs de développement durable énoncés par le global compact1.
Ceci dit, ce qui nous occupe pour le moment, c’est la définition des actions et des programmes qui nous permettront de sceller la confiance que nous voulons inspirer partout où Total est engagé. Et là, on s’aperçoit qu’un outil comme la fondation d’entreprise Total n’est opérationnel qu’aux bornes de la France alors que le groupe conduit des actions sociétales dans le monde entier. Une fondation d’entreprise française est régie par une réglementation qui ne permet pas d’embrasser une stratégie internationale. Notre intention est donc d’utiliser à chaque endroit les meilleurs outils disponibles et de les combiner dans une stratégie plus globale. C’est à cette articulation que nous travaillons actuellement, sachant que nos engagements de par le monde sont peut-être un peu trop éparpillés aujourd’hui. Une priorité est de cerner les domaines dans lesquels nous voulons vraiment avoir de l’impact. Parce qu’ils permettent de rendre à la société ce qu’une entreprise comme Total lui doit, les axes que sont l’environnement, le patrimoine et le dialogue des cultures subsisteront très vraisemblablement dans nos programmes, sous une forme ou sous une autre. Viendra ensuite le temps de la réflexion sur la gouvernance de cet ensemble. Nous avons un peu de temps devant nous. Le mandat actuel de la fondation se termine à la fin de cette année. L’urgence concerne la gouvernance des différents programmes que nos voulons engager.
Une superstructure pourrait-elle, à terme, fédérer les différentes entités du groupe engagées de par le monde dans des actions de responsabilité sociétale?
A ma connaissance de telles superstructures n’existent pas et elles n’existent pas car chaque pays a sa propre réglementation. Je le répète, notre démarche consiste à commencer par structurer nos programmes puis à regarder ensuite localement quel véhicule réglementaire est le mieux adapté au déploiement du programme que nous voulons développer.
N’est-ce pas de la responsabilité d’un groupe comme Total de faire converger les réglementations, ne serait-ce déjà qu’au niveau européen ?
La question est délicate car s’engager dans cette voie peut développer de la suspicion. On peut aussi se demander si cela est réellement indispensable. Personnellement je ne subis aucune pression pour augmenter, par exemple, la défiscalisation dont peut bénéficier le groupe grâce à son mécénat. Le PDG de Total, me demande uniquement de construire quelque chose qui ait du sens et qui soit efficace. C’est après qu’il me demandera sans doute comment je pense l’optimiser. C’est la même démarche que dans le reste du business.
La mobilisation des collaborateurs est importante pour accompagner l’engagement sociétal d’une entreprise. La tâche ne va-t-elle pas être rendue plus difficile en développant votre action à l’international ?
Ce point est extrêmement important et c’est pour cette raison que tout programme d’engagement sociétal lancé par le groupe doit permettre à des collaborateurs de s’y associer, soit par le biais du mécénat du compétence, soit plus globalement par tout ce qui relève du pro bono. Nous réfléchissons activement à cette question actuellement.
Et la mobilisation de vos clients ?
Des actions sont déjà faites avec nos clients, dans le domaine de la sécurité par exemple, mais on peut certainement aller plus loin et impliquer nos clients dans nos actions sociétales. Une réflexion a démarré avec le réseau de stations service qui est un vecteur naturel pour se connecter au public. Nous n’en sommes vraiment qu’au tout début. Il est impossible de dire aujourd’hui à quoi aboutira cette réflexion.
1- Le Pacte Mondial, ou Global Compact, est une initiative des Nations-Unies lancée en 2000 visant à inciter les entreprises du monde entier à adopter une attitude socialement responsable.
Propos recueillis par Yves Le Goff
Manoelle Lepoutre est diplômée de l'Ecole nationale supérieure de Géologie de Nancy (ENSG) et de l'Ecole nationale supérieure des Pétroles et des Moteurs (ENSPM). Elle a débuté sa carrière dans le groupe en 1982 au sein de la branche Exploration & Production où elle a occupé différents postes dans les domaines de la R&D et de l'exploration. Elle a ensuite eu des responsabilités opérationnelles en France, aux Pays-Bas, en Norvège puis aux Etats-Unis avant de revenir en France, où elle a eu en charge de s’occuper de la Direction Recherche et Développement de l’Exploration/Production. Manoelle Lepoutre a ensuite occupé des fonctions en Développement Durable et Environnement, Ressources Humaines et Responsabilité Sociale.