|    11 Avril 2023

Le droit à la vie privée des fondations d’entreprise

Par son arrêt du 7 octobre 2022, le Conseil d’Etat reconnaît un droit à la vie privée des fondations d’entreprise. 

 

Les faits

L’association anticorruption Anticor avait demandé au préfet de Paris la communication des comptes annuels des exercices 2016 et 2017 de la fondation d'entreprise Louis Vuitton, ainsi que leurs annexes. Le préfet de Paris a refusé cette demande. L’association a contesté ce refus devant le Tribunal administratif de Paris, qui a confirmé la décision du préfet. Elle s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat.

La décision

L'article L.300-2 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que les documents produits ou reçus par l'administration sont considérés comme des documents administratifs et qu’ils sont ainsi communicables aux personnes qui en font la demande. Toutefois, l’article L.311-6 du même code prévoit une dérogation lorsque cette communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de la personne concernée.

Dans le cadre de leur application à des personnes morales de droit privé, ces dispositions doivent être entendues comme excluant en principe la communication à des tiers des documents relatifs notamment à leur fonctionnement interne et à leur situation financière, sous réserve qu'elle ne soit pas imposée ou impliquée par d'autres dispositions.

Les fondations d’entreprise sont tenues de déclarer annuellement leurs comptes. Or, étant relatifs à leur fonctionnement interne et à leur situation financière, le Conseil d’Etat relève que ces documents sont ainsi couverts par la protection de la vie privée. La loi ne déroge à cette protection que pour les fondations d’entreprise ayant reçu une subvention publique. En effet, leur publication étant imposée par l’article 19-10 de la loi de 1987, elle ouvre alors un droit à communication des comptes à toute personne qui en fait la demande.

Le Conseil d’Etat affirme ainsi par cette décision un droit à la vie privée des fondations d’entreprise, en ce que les comptes annuels déclarés par une fondation d’entreprise ne sont pas communicables aux tiers, à condition de ne pas avoir bénéficié de subventions publiques.  

La fondation d’entreprise Louis Vuitton n’ayant pas reçu de subventions publiques en 2016 et 2017, les comptes annuels n’ont ainsi pas été communiqués à l’association Anticor. L’association souligne le paradoxe de cette position dans son communiqué de presse : « si les dons à la fondation octroient une réduction fiscale, c’est parce que son activité est d’intérêt général et non privé. C’est un nouveau paradoxe qui permet une opacité de fonctionnement alors même que les entreprises, elles, doivent publier leurs comptes. »

Cette décision s’inscrit également en contradiction avec la position adoptée par la Cour de Cassation, qui a retenu dans sa décision du 17 mars 2016 que « seules les personnes physiques peuvent se prévaloir d'une atteinte à la vie privée au sens de l'article 9 du code civil ».

Pour aller plus loin

-       Conseil d’Etat, 7 octobre 2022, décision n° 443826

-       Communiqué de presse de l’association Anticor

-       Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 mars 2016, 15-14.072

-       Articles L.300-2L311-1 et L.311-6 du code des relations entre le public et l’administration

 

 

Ce site est réalisé grâce au mécénat de