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Le mécénat à l’épreuve des critères ESG
Paroles de mécènes
Même si la crise COVID-19 a obligé au report d’un an de la COP 26, l’environnement reste au cœur des enjeux de société et un événement sur le climat sera d’ailleurs à l’agenda du 12 décembre, organisé par l’ONU et le gouvernement britannique. Le cinquième anniversaire de l’accord de Paris sur le climat est l’occasion de rappeler aux acteurs du mécénat l’importance des critères environnementaux, mais aussi sociaux et de gouvernance (« critères ESG »). Car si les entreprises sont généralement pénétrées de l’importance de leur responsabilité élargie, le secteur sans but lucratif y a été jusqu’à présent moins sensibilisé. Alors que les participants à un récent sondage effectué lors du Mécènes Forum ont estimé à 51% bien connaître ces critères, moins de la moitié (44%) les jugent prioritaires.
D’où vient que la transposition des critères ESG dans le milieu sans but lucratif suscite tant d’interrogations ? Elle s’explique peut-être d’une part par l’absence d’un référentiel commun. Il existe certes des initiatives privées telles que la Global Reporting Initiative mais pas de texte juridique englobant ces trois critères. Il me semble d’autre part que cette dichotomie tient à la nature même du mécénat et du milieu associatif, qui interviennent dans des secteurs déjà fragilisés, et pour lesquels des critères de type ESG peuvent n’arriver qu’au second rang des préoccupations. Pourtant, être une structure sans but lucratif ne signifie pas automatiquement être une structure socialement responsable. Une fois passée la phase d’étonnement quant à la pertinence de l’inclusion de ces critères dans leurs actions, les structures y voient souvent un bénéfice, et l’évaluation basée sur les critères ESG a notamment permis à plusieurs associations partenaires de la Fondation Sanofi Espoir de se doter d’un code d’éthique.
Dès lors que les critères ESG constituent un apport pour le mécénat, comment les intégrer ? Les fondations, associations, et autres structures sans but lucratif, ont de plus en plus une mission qui s’articule avec un, deux, voire trois thèmes des objectifs du développement durable. Pour autant, il en existe dix-sept, tous interconnectés et interdépendants. En cherchant à réduire une inégalité d’un côté, comment être sûr de ne pas en creuser une nouvelle d’un autre ? Pour prendre un exemple, il nous paraît important, à la Fondation Sanofi Espoir, d’évaluer l’égalité hommes-femmes, tant au sein de nos organisations partenaires qu’au niveau des bénéficiaires finaux de nos actions. Autre exemple : lorsqu’un projet est présélectionné, la structure porteuse de projet fait l’objet d’une procédure de vérification raisonnable anti-corruption.
Engagés en faveur de l’intérêt général sur nombre de thématiques, les acteurs du secteur non lucratif ont les moyens de penser leur impact de façon holistique. Émissions de CO2, consommation d’électricité, recyclage des déchets mais aussi dialogue social, emploi de personnes en situation de handicap ou encore lutte contre la corruption et égalité hommes-femmes devraient être a minima intégrés à leur réflexion, voire figurer parmi les prérequis de leur stratégie, mais aussi apparaître dans les structures et les projets qu’ils accompagnent, ou les actions qu’ils mènent directement. Le mouvement paraît enclenché : selon le rapide sondage évoqué plus haut, 41% des personnes interrogées ont indiqué déjà intégrer ces critères au niveau de leur fonctionnement, et 56% à l’échelon des projets menés.
Toutefois en matière d’impact, une certaine vigilance s’impose. En effet, l’un des risques est de tomber dans un excès d’indicateurs. A vouloir imposer un reporting trop lourd pour des structures potentiellement peu équipées, à mesurer trop de critères, la crainte est de mal les prendre en compte, ou de ne pas relever les plus pertinents. Certains critères sont-ils plus décisifs que d’autres ? Faut-il utiliser des critères distincts selon les différents secteurs d’activité ? A-t-on besoin d’analyses qualitatives en plus du reporting quantitatif ? Jusqu’où descendre dans la responsabilité vis-à-vis des partenaires ? Comment évaluer au plus juste la matérialité d’une structure sans but lucratif ? Répondre à ces différentes interrogations nécessite une étude plus approfondie avec de nombreuses parties prenantes. Le récent atelier du Mécènes Forum sur les critères ESG n’était en fait qu’une première étape. L’objectif est de lancer une réflexion commune avec les adhérents d’Admical tout au long de l’année 2021. Profiter de cette communauté d’acteurs constituée autour de la philanthropie permettra d’animer un groupe de travail, et d’élaborer les termes de la relation fructueuse entre une déontologie bien comprise et un mécénat responsable.
Critères ESG : de quoi parle-t-on ?
Les critères ESG (pour Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont des critères extra-financiers. Selon l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), ces critères permettent d’évaluer la prise en compte du développement durable et des enjeux de long terme dans la stratégie des acteurs économiques.
Exemples de critères
Critères environnementaux : les émissions de CO2, la consommation d’électricité, le recyclage des déchets ;
Critères sociaux : la qualité du dialogue social, l’emploi des personnes handicapées, la formation des salariés ;
Critères de gouvernance : la transparence de la rémunération des dirigeants, la lutte contre la corruption, la féminisation des conseils d’administration.
> Pour participer aux ateliers de réflexion à venir sur ce sujet, contactez Julie Bourdel, Responsable développement & événements chez Admical : jbourdel@admical.org