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Mécénat et contreparties : quels enjeux ?
Juridique
Une pratique autorisée
C’est bien l’intention libérale du donateur qui justifie la réduction d’impôt qui lui est accordée. Le don est par conséquent consenti à titre gratuit, a priori sans contrepartie directe ou indirecte au profit de la personne qui l’effectue. S’agissant du mécénat d’entreprise, la question des contreparties a longtemps fait débat. Le don déroge, par nature, à l’obligation pour l’entreprise d’exercer des activités conformes à son objet social. Ainsi facilement assimilable à un abus de biens sociaux, l’opération de mécénat n’est en principe conforme à l’intérêt social de l’entreprise que si elle est utile ou profitable à l’entreprise, au moins en termes d’image.
L’administration fiscale a mis fin à ces incertitudes en affirmant que le nom de l’entreprise mécène peut être associé aux opérations réalisées par l’organisme, à l’exception de tout message publicitaire. Elle a par ailleurs précisé que le dispositif en faveur du mécénat ne peut être remis en cause que s’il n’y a pas de « disproportion marquée » entre les sommes données et la valorisation des avantages reçus[1].
Désormais assurés de la possibilité d’offrir des contreparties à leurs entreprises mécènes, les organismes bénéficiaires font néanmoins face à des difficultés récurrentes. Quelles sont les limites à ne pas franchir ? Comment répondre aux attentes de chaque mécène sans perdre de vue ses propres intérêts ?
Les questions à se poser
Anticiper les questions de valorisation
La doctrine fiscale n’a pas précisé à quoi correspondait la notion de « disproportion marquée » et la manière dont il fallait valoriser les contreparties accordées aux mécènes. Cette question est néanmoins centrale : si, à l’issue d’un contrôle fiscal, l’administration estime qu’il n’existe pas de disproportion marquée entre le don et les contreparties qui lui sont liées, le bénéficiaire encoure une amende de 25 % du montant du don.
Il semble quasiment impossible de déterminer la valeur de la mention du nom de l’entreprise sur les outils de communication liés au projet soutenu, pas plus que celle de l’association de son image à celle de l’organisme bénéficiaire. Il est en revanche incontournable d’évaluer le coût engendré par des contreparties plus matérielles. Gratuité/tarif réduit sur des produits ou services existants, accès privilégiés, transferts d’expertise… autant d’avantages que les organismes bénéficiaires proposent habituellement à leurs mécènes. Mais quelles règles de calcul retenir ? Prix public, coût de revient, perte de recettes – les bénéficiaires tentent, chacun à leur façon, de définir une méthode de calcul qui ne risque pas d’être remise en cause.
Savoir s'adapter à des attentes variées
Qu’espèrent les mécènes en contreparties de leur don ? La question se pose inéluctablement à tous les bénéficiaires lorsqu’ils négocient les contours d’une relation de mécénat. Il n’y a néanmoins pas de règles en la matière. La réponse varie en fonction de l’entreprise mécène ainsi qu’en fonction du projet ou de la structure soutenue. A la fondation du Crédit Agricole - Pays de France, lorsque les partenariats sont conclus avec de grandes institutions, les Caisses régionales peuvent bénéficier en retour de visibilité, mais également de mises à disposition d’espaces, billetterie, visites privées… un « pack » proposé habituellement par ces bénéficiaires. Lorsqu’il s’agit en revanche de partenariats plus modestes, l’objectif est surtout de faire connaître le projet localement en organisant des évènements fédérateurs (par exemple une assemblée générale de sociétaires) dans le lieu soutenu. Dans tous les cas, le mot d’ordre est à la création d’une dynamique locale !
La fondation Raja – Danièle Marcovici aspire quant à elle à être mentionnée dans les outils de communication liés au projet soutenu. Afin de renforcer ses liens avec certains de ses partenaires, elle leur a également demandé de venir rencontrer les salariés du groupe au cours d’une Semaine de l’engagement solidaire préfigurant un programme d’implication des collaborateurs.
Saisir l'opportunité d'une transmission de valeurs
Hier très orientées vers les relations publiques, les contreparties se tournent aujourd’hui de plus en plus vers l’entreprise elle-même. Sensibilisations, visites privées, interaction entre les salariés et les acteurs du projet… c’est, pour le porteur de projets, une occasion rêvée de se faire connaître et de transmettre ses valeurs. A travers ses partenariats-entreprises, le WWF met tout en œuvre pour sensibiliser le mécène et ses salariés aux enjeux environnementaux et aux actions de l’ONG. Un club PME sera bientôt inauguré. Ses membres auront accès, en contrepartie de leur don, à un outil d’autodiagnostic de leur performance environnementale, associé à des fiches conseils dans un objectif d’amélioration continue. Ils pourront également avori accès à une alerte réglementaire et à des services de veille juridique sur l'environnement.
L’entreprise de cosmétique Caudalie est mécène du WWF France dans le cadre d’un programme dans la région indonésienne de Riau. Le projet vise à enrayer la déforestation tout en aidant les petits producteurs d’huile de palme à produire leur huile de manière responsable. Sa mise en place permettra de protéger des espèces rares menacées par l’exploitation du palmier à huile, d’élever le niveau de vie des communautés locales grâce au développement du miel biologique, de l'écotourisme et en appuyant la certification de petits producteurs d’huile de palme en dehors des parcs nationaux.
Recommandations
- Les contreparties doivent être négociées en amont et inscrites dans la convention de mécénat afin de limiter les demandes abusives et de garantir une traçabilité en cas de contrôle fiscal.
- La convention doit lister et quantifier précisément chaque contrepartie pour permettre sa valorisation (ex : « l’entreprise se verra remettre 10 catalogues de l’exposition soutenue en version française » plutôt que « l’entreprise se verra remettre des catalogues de l’exposition soutenue »).
- L’entreprise ne peut pas faire de ses contreparties une utilisation commerciale (ex : utilisation d’une mise à disposition d’espace pour l’organisation du lancement d’un nouveau produit).
Pour en savoir plus
> Fiche Repères Admical n°6 : "Mécénat et contreparties"
Chloé Baunard-Pinel
Cet article a initialement été publié dans la Revue Mécènes n°2
[1] BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20120912 BIC