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Agir pour son territoire, le désir de nombreuses entreprises mécènes

Comptes-rendus d’événements

A l’occasion du Forum Mécénat et Territoires ayant eu lieu à Metz le 14 juin dernier, Clémence Deback, déléguée régionale Admical en Centre-Val-de-Loire, a recueilli les témoignages d’entrepreneurs qui s’engagent au quotidien sur leur territoire : leur histoire, le sens de leur engagement, les bénéfices qu’ils en retirent, leurs liens avec le territoire… Extraits choisis.

 

Si le mécénat des grandes entreprises n’a jamais autant été sous le feu des projecteurs, les TPE, PME et ETI sont, elles aussi, des mécènes indispensables pour soutenir le développement de projets d’intérêt général. Selon le dernier baromètre Admical, elles représentent en effet 99,7% des entreprises ayant déclaré des dons et 43% du montant des dons déclarés. Leur poids est donc loin d’être négligeable, et ce d’autant plus à l’échelle territoriale où la connaissance des réseaux locaux constitue un véritable atout pour accompagner encore mieux les associations.

Quels sont donc les profils et les motivations de ces entreprises mécènes qui agissent localement ? En quoi l’approche territoriale guide-t-elle leurs actions ?

 

A l’origine, une histoire personnelle

Si certains mécènes semblent de prime abord mettre en œuvre des politiques de mécénat similaires, il n’en demeure pas moins que les motivations de leur engagement restent très personnelles. Ainsi, André Heintz, dirigeant de Heintz Transports et président de Metz mécènes Solidaires, s’est tout naturellement engagé via le mécénat, dans la continuité des actions philanthropiques menées par sa famille depuis longtemps. Si ses premiers pas de mécène consistaient en des soutiens financiers ponctuels, c’est en accompagnant les associations sur le terrain que le déclic s’est produit. En effet, selon lui, « on se rend vraiment compte de la valeur de l’engagement quand on y passe du temps ». Aujourd’hui, avec la création d’un fonds de dotation, il implique les deux nouveaux partenaires dirigeants de l’entreprise dans « l’aventure mécénat ».

Quant à David Tuchbant, président de Club Identicar, c’est d’abord à titre personnel qu’il s’est mobilisé, en faveur du secteur de l’aide à l’enfance. Constatant l’enthousiasme des collaborateurs pour ce type d’initiative, il a décidé de développer une véritable politique de mécénat reposant sur l’implication des collaborateurs dans un secteur en lien avec l’activité de l’entreprise : la mobilité.

Autre témoignage, celui de Stéphane Martinez, ancien dirigeant de Marty sports et ancien président de la Fondation Mécène & Loire. Regroupant 22 mécènes, la fondation œuvre pour soutenir des projets d’intérêt général en Maine-et-Loire. Nommé président dès l’origine, Stéphane Martinez a progressivement développé sa connaissance du mécénat et s’est attaché à animer l’action des mécènes pour entretenir la dynamique collective.

 

Des modèles de gestion adaptés à chaque entreprise

PME, ETI et grandes entreprises n’ont pas les mêmes contraintes ni les mêmes enjeux. La feuille de route pour organiser une politique de mécénat diffère donc largement d’une entreprise à une autre.

Ainsi, le Crédit Agricole Lorraine a décidé de créer sa propre fondation alors qu’il existe déjà 2 fondations nationales (Fondation Crédit Agricole Solidarité et Développement et Fondation Crédit Agricole Pays de France), et ce afin de structurer ses actions de mécénat sur le territoire. Fonctionnant en toute autonomie par rapport au siège, l’entreprise accompagne via sa fondation 140 projets à l’année, apparaissant ainsi comme un mécène incontournable de la région. Avec la volonté de coconstruire des projets impactants sur le territoire, la fondation prévoit par ailleurs un comité exécutif composé d’acteurs différents : collaborateurs, experts ou encore élus.

Tout comme le Crédit Agricole Lorraine, Identicar a créé une fondation, à la fois opératrice et distributrice, sous égide de la Fondation de France. Sa mission est de soutenir des initiatives de mobilité solidaire, à la fois financièrement et humainement. Grâce non seulement à des subventions, mais aussi par le biais de temps libéré aux collaborateurs (2 jours par mois à terme) pour leur permettre de se consacrer à des projets solidaires. Cette politique d’implication des collaborateurs contribue aux très bons résultats obtenus par l’entreprise Club Identicar en termes de bien-être des salariés (indice « Happy at work »).

De plus en plus de PME élaborent également de véritables stratégies de mécénat afin de maximiser leur impact, à l’image de Marty Sport SA et Heintz Transport. André Heintz est en effet revenu sur la nécessité de structurer toutes les actions autour d’un projet commun afin de « ne pas s’éparpiller », de définir un cahier des charges précis pour sélectionner les projets, et de budgétiser les moyens et ressources disponibles. Dans son cas, il alloue au mécénat 150 000 € de budget annuel avec la moitié de ses dons réalisés en nature. Stéphane Martinez a également donné un cadre à son action de mécénat, en se laissant néanmoins un peu plus de « liberté » dans le choix des projets à soutenir. En effet, si le budget est effectivement sanctuarisé (27 500 € annuel, correspondant à 0,5% du chiffre d’affaires de Marty Sport SA), l’entreprise mène de paire mécénat collectif via la fondation Mécène et Loire et mécénat individuel en soutenant des projets « coup de cœur » pour l’entreprise.

 

Les collaborateurs, toujours au centre des préoccupations

On observe aujourd’hui un réel engouement pour le mécénat de compétences qui représente 13% du budget total consacré au mécénat, avec 20% des entreprises mécènes ayant choisi ce mode d’action. Rien d’étonnant puisque cette pratique bénéficie à tous : côté professionnels, 40% déclarent que cela apporte du sens à leur travail, et côté associations, cette forme de mécénat leur permet de bénéficier de nouvelles compétences, d’un regard extérieur et de mieux approcher les entreprises dans leurs recherches de mécènes. Ainsi, comme le souligne Emilie Vuillequez, Directrice du développement territorial de Pro Bono Lab, l’implication des collaborateurs dans la démarche de mécénat devient une priorité, quelle que soit la typologie des entreprises.

 

Le Crédit Agricole Lorraine privilégie une approche pyramidale pour toucher tout le monde, allant jusqu’aux clients. Au sein du réseau Crédit Agricole, la caisse régionale Pays de Gascogne a par exemple créé une carte solidaire grâce à laquelle les clients peuvent épargner pour soutenir des associations choisies par le conseil d’administration. Les caisses locales soutiennent les initiatives locales et font remonter certains besoins aux caisses régionales qui, grâce à un budget de 60 000 €, peuvent venir renforcer leur soutien ou financer des projets de plus grande envergure. Karine Schoenacker insiste aussi sur l’importance de la communication interne pour mobiliser les salariés.

Autre valeur ajoutée du mécénat de compétences : l’implication dans des projets communs fait naître de nouvelles relations au sein de l’entreprise entre des personnes qui normalement ne se rencontrent pas. Ainsi, chez Identicar, des salariés peuvent pitcher leur projet devant le COMEX réuni pour l’occasion : échanges facilités, meilleure connaissance des enjeux de l’entreprise, meilleure connaissance des réalités du terrain, discussions autour des valeurs de l’entreprise, etc… sont autant de conséquences positives liées au développement du mécénat de compétences.

 

​Des éléments structurants indispensables pour tous

Lors de la table-ronde, les mécènes se sont tous accordés sur l’importance de bien définir sa stratégie de mécénat avec des éléments structurants. Pour André Heintz, le fait de se restreindre à un certain budget permet par exemple de chercher l’efficience des projets ; l’évaluation permet quant à elle de mieux identifier les points de force et de faiblesse des projets, pour ensuite proposer un meilleur accompagnement, plus personnalisé, dépassant le simple soutien financier (ingénierie technique, création du business plan, développement du réseau sur le territoire, etc…). David Tuchbant rappelle également que c’est en définissant sa stratégie de mécénat que l’on décide du degré de perméabilité que l’on souhaite avec l’activité business de l’entreprise.

On le voit donc, les grandes entreprises ne sont plus les seules à définir de véritables stratégies de mécénat. Dans les territoires, TPE, PME et ETI se professionnalisent aussi afin de maximiser leur impact.

Néanmoins, certaines contraintes fiscales et juridiques peuvent limiter l’action des mécènes. En effet, comme le rappelle Stéphane Martinez, les régulières réformes fiscales des différents gouvernements constituent un frein au développement du mécénat à l’échelle locale. Il est donc nécessaire d’avoir une politique stable afin que l’effet d’entraînement continue à se renforcer. Quant à David Tuchbant, il souhaiterait transmettre plus tard une partie de son entreprise à sa fondation. Pour lui, c’est le statut de la fondation actionnaire qui est problématique car ses statuts restent très flous.

 

 

Tous les mécènes présents tirent finalement un bilan positif de leurs actions de mécénat : des bénéfices évidemment pour les associations soutenues, mais également de nombreuses externalités positives constatées pour leur entreprise et à titre personnel. Stéphane Martinez rappelle d’ailleurs que s’engager dans le mécénat n’est pas une contrainte, car il permet des « moments intenses de partage avec le collectif ». Enfin, c’est le territoire dans sa globalité qui profite de l’engagement des entreprises mécènes. En effet, à l’échelle locale, ces dernières jouent un rôle essentiel pour rassembler l’ensemble des acteurs du territoire grâce à leurs réseaux, permettant ainsi aux associations de maximiser l’impact de leur projet.

Une belle ambition parfaitement résumée par André Heintz lors de ce forum : « Think global, act local […] La valeur vit dans un écosystème : la valeur, il faut la partager ».

 

Diane Abel

 

 

>> Pour en savoir plus, retrouvez le compte-rendu global de l'événement ici.

 

 

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