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Les "philantrepreneurs", mécènes du XXI ème siècle

Paroles de mécènes

Loin de l’image d’Epinal des grands donateurs agissant avec discrétion et par intérêt fiscal, une nouvelle génération de philanthropes voit le jour : plus actifs et impliqués, plus professionnels et désireux de générer un impact social positif. Un défi pour les banquiers privés, qui accompagnent ces nouveaux « philantrepreneurs ».
 
Chez Lazard Frères Gestion, une attention particulière est portée à l’accompagnement de ces nouveaux philanthropes dans leurs projets. A ce titre, ses équipes assurent la gestion du patrimoine de plus de 40 fondations et associations pour des encours de plus de 400 M€. 
 
Julien Thibault-Liger, banquier privé et expert des questions de philanthropie et François-Marc Durand, Président de Lazard Frères Gestion et lui-même mécène, répondent aux questions d’Admical.
 
 
3 questions à... Julien Thibault Ligier, banquier privé, expert des questions philanthropiques

 

Au fur et à mesure des années, avez-vous constaté des évolutions dans la manière dont vos clients abordent leur projet philanthropique ?

Par le passé, nos clients philanthropes se caractérisaient par leur très grande discrétion, leur générosité se matérialisant par des dons de sommes d’argent pour défendre de grandes causes d’intérêt général. L’implication personnelle du philanthrope était alors extrêmement limitée. Ces dernières années, nous voyons émerger une nouvelle tendance : des philanthropes de l’action qui entreprennent des projets et qui par leurs actes veulent améliorer la condition de leurs semblables. Ils ambitionnent de faire plus qu’un simple don, ils veulent créer et faire vivre leur projet avec la même implication et le même professionnalisme que pour une entreprise classique. Nous les qualifions chez Lazard de philantrepreneurs.

 

Quelles sont les « ingrédients » des projets philanthropiques menés par ces nouveaux philanthropes ?

La professionnalisation de la démarche de ces nouveaux philanthropes repose sur quatre piliers qui doivent être parfaitement définis : un objet, une gouvernance, des finances et des outils de mesure.

  • L’objet permettra de déterminer les objectifs et le positionnement du projet notamment par rapport à d'autres projets similaires ou complémentaires.
  • Des principes de bonne gouvernance seront établis afin d'assurer la gestion de l'ensemble des parties prenantes.
  • Pour le financement, un business plan rigoureux devra être établi en intégrant les différentes ressources possibles (dons, sponsoring, fonds publics, produits d'activité, produits patrimoniaux, contribution des membres).
  • Enfin, l'impact du projet pourra être mesuré en adoptant les indicateurs du monde de l’entreprise : résultats opérationnels, potentiel de croissance, potentiel d'autonomie financière voire de rentabilité du projet. Des indicateurs qui ne sont désormais plus des mots interdits dans les projets philanthropiques de nos clients. 

 

Quels sont les véhicules utilisés par vos clients philanthropes ?

Du degré d’implication du philanthrope, dépendra le véhicule adapté à son projet. Pour une implication à minima, le don direct à un organisme sans but lucratif qui désormais communique et rend compte de ces projets peut être adapté. Pour une implication plus poussée, les associations ou les fondations proposent de plus en plus aux grands donateurs de participer à des comités consultatifs voire aux instances tels que les boards. Enfin, pour une implication totale, le secteur a vu, d’une part, se multiplier les fondations reconnues d’utilité publique abritante permettant de créer plus facilement des fondations abritées et, d’autre part, l’émergence des fonds de dotation, un outil particulièrement adapté à une démarche de philanthreprenariat.

 

3 questions à... François-Marc Durand, mécène et président de Lazard Frères Gestion

 

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à devenir mécène ?

Quand on a la chance de bien réussir dans le secteur de la finance et donc de bien gagner sa vie, il est normal de penser à ceux qui rencontrent plus des difficultés. Par solidarité, je ressens le besoin d’aider ceux qui n’ont pas cette chance.

A titre personnel, je suis mécène dans la musique. Ma fondation « L’Or du Rhin » attribue ainsi des bourses d’études à de jeunes musiciens pour leur permettre de poursuivre leur formation malgré parfois de grandes difficultés financières.

Le fait d’être mécène dans un art qui me passionne m’offre aussi l’opportunité de faire des rencontres exceptionnelles, de créer des liens avec un monde au départ éloigné de mon quotidien professionnel. Huit ans après la création de ma fondation, je constate que des passerelles existent entre le milieu musical et mon travail et que l’un et l’autre peuvent s’enrichir mutuellement.   

 

En tant que président de Lazard Frères Gestion, avez-vous mis en place une politique de mécénat d’entreprise pour prolonger votre action philanthropique privée ? Si oui, pour quelles raisons ?

Nous avons effectivement une politique de mécénat au sein de l’entreprise mais elle est bien distincte de ma philanthropie personnelle. En tant que Président d’un établissement financier performant et profitable, il m’a semblé souhaitable de me pencher sur l’action philanthropique.

Nous avons retenu comme axe la restauration d’œuvre d’art. Nous avons noué un partenariat avec la Fondation pour La Sauvegarde de l’Art français. Cette année, nous avons participé à la restauration d’une œuvre majeure (Le Christ au jardin des Oliviers) exposée au Louvre dans le cadre de l’exposition Delacroix. Cette action a été pour nous un facteur d’image très positif tant auprès de nos clients qu’auprès de nos collaborateurs.

 

Selon vous, quels sont les ingrédients d’une politique de mécénat réussie ?

A titre privé, il me semble plus judicieux de choisir une cause qui véritablement vous passionne. Le soutien financier se trouve renforcé par une implication personnelle.

L’entreprise doit quant à elle faire vivre le mécénat. Il doit devenir un élément fédérateur des énergies qui la composent, des clients aux collaborateurs, en passant par les équipes dirigeantes.

 

Propos recueillis par Diane Abel

 

 

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