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Quelle finance à impact ? Tribune de Thibault Couturier, Vice-Président de Finansol

Expertise

Thibault Couturier, Vice-Président de Finansol
Depuis sa création en 1995, l’association Finansol, qui réunit un collectif de 80 membres incontournables du secteur de la finance solidaire, a pour objet de promouvoir la solidarité dans l’épargne et la finance. Thibault Couturier, son Vice-Président, nous livre ses observations sur l’état de cette nouvelle finance aujourd’hui.

 

La finance responsable est une finance en pleine évolution et il ne se passe pas de trimestre sans que l’on annonce de nouvelles initiatives dans ce domaine, en France, en Europe ou dans les pays anglo-saxons.

Face à cette finance responsable, à laquelle on peut rattacher de nombreuses appellations comme l’ISR (Investissement Socialement Responsable), la finance solidaire, la finance à impact (Impact investing), la finance verte… et des labels de plus en plus nombreux, face à des entreprises qui mettent de plus en plus en avant leur politique de RSE comme un élément essentiel d’image voire d’attractivité vis-à-vis des investisseurs, l’épargnant ou investisseur peut s’estimer à juste titre perdu, et ce n’est sans doute pas par hasard si cette finance responsable est plutôt le fait d’institutionnels, mieux armés à faire la part des choses et analyser le contenu des différentes formes de finance responsable ; même si dans le domaine de l’actionnariat direct de personnes physiques, on note un certain nombre d’exceptions avec le développement de certains type de financements participatifs ou l’investissement direct dans des foncières solidaires (type Habitat et Humanisme).

Une notion prend de plus en plus de poids et devrait permettre de clarifier en partie cette jungle de la finance responsable, c’est celle d’impact, apparue il y a une dizaine d’années ; mais elle peut également être source de confusion. Une entreprise qui crée des emplois a un impact qui peut être considéré comme positif pour la société, si l’on s’en tient à ce seul critère, mais est-ce suffisant pour en déduire qu’elle est une entreprise responsable, a fortiori une entreprise solidaire ? De nombreux fonds d’investissement se déclarent « à impact » dès qu’ils peuvent identifier un impact dans leur stratégie d’investissement : on assiste à une sorte de surenchère dans ce domaine qui peut s’assimiler à du « social washing ».

 Pour s’y reconnaître, des réflexions se sont lancées et s’approfondissent notamment dans le cadre de la finance solidaire autour de cette notion essentielle d’impact.

Si l’impact est effectivement une condition nécessaire pour la finance solidaire, elle n’est pas suffisante dans la mesure où cette recherche d’impact doit constituer la priorité de cette finance, sa raison d’être : on parle d’ « impact first » (ou social impact) par opposition à « finance first ». L’objectif est bien de maximiser l’impact et non de maximiser les profits, et donc de réinvestir ceux-ci quand ils existent pour l’objectif premier, l’impact social. Un des corollaires est que la recherche de profit est nécessairement limitée, car dans le cas contraire elle se ferait nécessairement au détriment de l’impact social.

« Entendre (comme nous l’entendons souvent) des investisseurs dire qu’il est possible d’avoir le même rendement financier pour un investissement « à impact social » est faux, car il implique que certains choix seront faits compte tenu du rendement financier et non du retour social » Olivier de Guerre, Président de Phitrust dans le Magazine des Professions financières de mars 2018.

Un autre corollaire est généralement la durée d’investissement qui ne privilégie pas le court terme ; on parle d’ailleurs de capital patient. Enfin l’impact social doit être mesurable et mesuré « dans un processus continu d’évaluation ».

La finance solidaire est pour nous le premier exemple de finance à impact, dans la mesure où comme Monsieur Jourdain, elle fait de l’impact depuis quarante ans sans nécessairement utiliser ce terme depuis l’origine. Ce qui fait que très souvent le document le plus pertinent pour présenter une entreprise solidaire est le Rapport d’impact social produit par cette entreprise,  qui résume très bien par le biais de quelques indicateurs clé d’impact social  ses objectifs et sa stratégie, indépendamment de son organisation.

A fin 2017, selon une étude de l’Impact Invest Lab, les encours des investissements à impact social en France représentaient 3,2 milliards d’euros, gérés par les membres de France Invest Impact ou Finansol.

 

Thibault Couturier

Vice-Président de Finansol

 

 

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