La Fondation Inria : donner du sens au numérique

Jean-Baptiste Hennequin, administrateur de la ville de Paris auparavant chargé des mécénats et partenariats au secrétariat général de la ville de Paris, a été nommé directeur général de la Fondation Inria en janvier 2020. A cette occasion, il revient sur l’action de la fondation et nous présente sa vision des enjeux à relever.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et les raisons qui vous ont poussé à prendre la direction de la Fondation Inria ?

 

J’ai accompli toute ma carrière d’agent public au sein de l’univers scientifique. Mon premier poste en conseil général, auprès du visionnaire René Monory, passionné de technologies, créateur du Futuroscope, a déterminé ce choix initial. Puis, en poste à la Région Ile-de-France et à la Mairie de Paris, au sein de l’administration puis en cabinet, j’ai assisté à l’explosion d’internet et participé à la création des premiers incubateurs pour les jeunes entreprises parisiennes, à l’heure où l’expression « start-up » n’était pas encore passée dans le langage commun. Ces sept dernières années, j’ai occupé le poste captivant de secrétaire général et directeur du fonds de l’ESPCI, surnommée l’ « école des Prix Nobel » où j’ai lancé et supervisé les grands travaux, lancé un incubateur et développé le fonds de dotation créé en 2011. De retour à la Mairie en 2019, j’ai conduit une mission sur le mécénat auprès de la secrétaire générale de la ville de Paris et de la fondation Bloomberg Philanthropies. Mais la proximité avec le monde scientifique me manquait. Une rencontre avec le PDG d’Inria et Président de la Fondation Inria, Bruno Sportisse, a été décisive.

 

L’ambition portée par Inria, à travers sa fondation m’a séduit. Il se joue, au niveau mondial, des batailles décisives pour conserver et développer notre souveraineté numérique afin de garantir un avenir de premier plan à notre pays et à l’Europe. Le mécénat représente un outil puissant pour soutenir la recherche française dans le secteur digital. Soutenir la recherche et l’innovation dans le numérique, pour nous aider à penser et maîtriser notre avenir, est une grande cause nationale. Inria, fleuron des sciences et technologies numériques, dont les chercheurs ont été pionniers de l’informatique, d’internet et du Web, est en capacité de donner un sens au numérique dans un monde littéralement dévoré par lui.

 

Il y a un an, la fondation a adopté un nouveau positionnement. Quelles ont été ses évolutions ?

 

Inria est engagée dans les grandes transformations du siècle à travers ses 200 équipes communes avec ses partenaires académiques, qui constituent un véritable trésor de projets dans tous les domaines du numérique.

 

La Fondation Inria s’inscrit dans le projet stratégique d’Inria qui vient d’être dévoilé (Ambition Inria 2023). Elle entend promouvoir des projets au sein de grands axes thématiques tels que :

  1. la révolution médicale du patient numérique, avec des travaux pionniers en santé numérique personnalisée, en solutions pour le handicap,
  2. la transition écologique, avec des recherches majeures afin de promouvoir par exemple un « numérique frugal », de mesurer et simuler les pollutions, développer une agriculture de précision
  3. la transformation de l’éducation à l’ère du digital,
  4. la démocratie numérique, illustrée par des recherches permettant de préserver les données personnelles, de concilier vie privée et vie collective, à l’heure de la toute-puissance des réseaux sociaux, de définir une intelligence artificielle responsable, qui porte nos valeurs et est au service du développement de notre société.

 

D’ores et déjà, la Fondation Inria porte des projets qui illustrent cette ambition d’un numérique humain, durable et citoyen. Par exemple le programme « Chiche !» dont l’ambition est de sensibiliser toutes les classes de seconde de France aux sciences informatiques, grâce à l’intervention de chercheurs d’Inria et d’établissements partenaires. Mais il existe aussi, chez Inria, un trésor de travaux d’intérêt public que la fondation présentera à des mécènes potentiels. Des équipes Inria sont en train de concevoir des prototypes pour les déficients visuels et moteurs qui permettront de repenser complètement l’espace urbain au moyen d’équipements d’un type nouveau, recréant par exemple la sensation du toucher. D’autres ont mis au point, en partenariat avec des journalistes, des systèmes d’aide au repérage des fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux, ou de protection de la vie privée qui évitent l’installation de cookies sans le consentement des internautes. Des myriades de ressources créatives sont disponibles chez Inria.

 

Plus globalement, la Fondation Inria est aussi à voir comme un outil au service de tout l’écosystème d’Inria, celles et ceux qui veulent faire bouger notre société par la recherche et l’innovation dans le numérique.

 

Comment les mécènes vous accompagnent-ils dans cette prise de risque ? Est-ce difficile de les convaincre de soutenir des projets sur le long-terme ?

 

La Fondation Inria propose plusieurs types de mécénat :

  • Sur mesure, dans les domaines précités : de grands projets, tels que ceux évoqués plus haut, sont proposés dans les domaines de la santé, de l’environnement et de la gouvernance numérique. Les mécènes et partenaires publics s’engagent ensemble à soutenir les causes de leur choix, qui correspondent à leur vocation et permettent d’afficher un partenariat avec un acteur incontournable de la recherche en numérique.
  • Structuré, à travers l’accès au « think tank » du comité des partenaires de la Fondation Inria : elle propose, aux structures donatrices qui le souhaitent, d’organiser une relation approfondie avec Inria afin de partager avec eux une information privilégiée sur des sujets complexes.  Si un acteur industriel souhaite s’éclairer sur des enjeux stratégiques, la fondation propose de créer un cadre de dialogue, au moyen d’un séminaire avec les meilleurs experts et scientifiques des domaines, afin d’initier une discussion de haut niveau avec Inria.

 

Vous avez lancé le projet Pimiento, qui réunit un mécène (MSDAvenir), une start-up (Sophia Genetics) et une équipe de recherche (MONC), coordonné par la Fondation Inria. Pouvez-vous nous en dire plus ? Qu’apporte ce type de partenariat public-privé ?

 

C’est l’exemple remarquable d’une grande entreprise américaine qui a compris l’intérêt du cadre philanthropique pour financer à partir de la France des recherches à fort impact. Le fonds de dotation MSD Avenir finance les recherches prometteuses menées par l’équipe du chercheur Olivier Saut dans le domaine du cancer du poumon, en dehors de tout cadre commercial. Ce partenariat jette les bases d’une relation de long terme entre un acteur important de l’industrie pharmaceutique et Inria, via sa fondation. C’est tout l’intérêt du mécénat scientifique : la valeur créée, scientifique, se situe dans le moyen et le long terme, elle permet d’organiser un échange qui débouchera ou pas sur des relations beaucoup plus structurées. La Fondation Inria se félicite de ce premier partenariat avec MSD qui suscitera, nous l’espérons, des vocations.

 

Quelles sont vos ambitions pour la fondation ?

 

La feuille de route est claire. La Fondation Inria s’est donnée pour objectif de rassembler un nombre restreint de partenaires stratégiques qui se reconnaissent dans ses valeurs : acteurs industriels engagés dans la transformation digitale, fondations scientifiques souhaitant soutenir des projets scientifiques à fort impact, personnalités engagées dans des actions de mécénat. Elle sera entourée d’un comité stratégique pour accompagner son développement, composé de personnalités du monde de la recherche et de l’économie et d’un comité de campagne pour l’aider à faire connaître son projet. Le projet et les acteurs de la fondation feront l’objet d’une présentation publique le 28 mai au Philanthro-Lab, créé par Philippe Journo.

 

Je suis persuadé que le mécénat scientifique est appelé à se développer, parce qu’il répond à une aspiration profonde du chercheur, à savoir le besoin de liberté et la quête de sens. La fondation a pour ambition d’offrir un cadre nouveau et original pour contribuer au rayonnement d’Inria.

 

Propos recueillis par Diane Abel

 

>> Plus d’information sur www.fondation-inria.fr

 

 

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