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Quand les nouveaux start-uppers font du mécénat une évidence

Expertise

Aujourd’hui, des entrepreneurs envisagent la philanthropie-intégrée dès la création de leur entreprise, et les plus audacieux le font alors même que leur activité se situe dans le business-to-business. Ainsi, de plus en plus de jeunes désireux de gérer rapidement leur propre entreprise tout en agissant de manière solidaire et responsable portent des nouveaux modèles d'entrepreneuriat dans lesquels le mécénat est au coeur de la réflexion.

 

Du produit-partage à la philanthropie-intégrée

Qui n’a pas entendu parler du partenariat entre Volvic et Unicef : « 1 litre acheté ici = 10 litres puisés au Sahel ». Il s’agit d’une opération au long cours de produit-partage, démarche hybride entre sponsoring et mécénat. Sponsoring parce que le but est de déclencher un acte d’achat, mécénat parce que l’entreprise s’engage à verser une somme fixe indépendante du volume de vente à l’organisme bénéficiaire, qui doit être éligible au mécénat1.

Ce principe de partage d’un succès commercial au profit d’une cause d’intérêt général, un entrepreneur visionnaire l’a intégré avant tout le monde, non pas à un produit, mais au modèle économique de son entreprise. Ce « philanthropreneur » s’appelle Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia. « En 1985, l’entreprise officialise son engagement pour l’environnement en consacrant 10% de son résultat avant impôts au soutien d’associations environnementales locales. La marque annoncera plus tard qu’elle reversera quoi qu’il en soit 1% de ses ventes annuelles à des actions de protection de l’environnement »2. Ce modèle en inspire d’autres comme Ben Cohen et Jerry Greenfield, les célèbres fondateurs des crèmes glacées labellisées commerce équitable.


 

Le maître mot, c’est cohérence

Aujourd’hui des entrepreneurs envisagent cette philanthropie-intégrée dès la création de leur entreprise, et les plus audacieux le font alors même que leur activité se situe dans le business-to-business. C’est le cas de Marc Benioff, fondateur de Salesforce, qui aime à parler de « 1-1-1 » (prononcez one-one-one) pour 1% du chiffres d’affaires, 1% du temps des salariés, 1% de la capitalisation boursière. Les dons en nature, compétences et financiers sont offerts tous les ans à des écoles, des universités et des associations. Inscrire le mécénat dans son modèle économique, voire les statuts de l’entreprise - ce qui est le cas de Salesforce - c’est aller encore plus loin que la création d’une fondation, dont la dotation peut être renouvelée… ou non.

S’il n’y a pas d’exclusivité sectorielle (grande consommation versus business-to-business), cela s’explique essentiellement par les parcours personnels, les convictions, les rencontres de ces entrepreneurs altruistes, raconte Vincent Auriac, lui-même mécène et promoteur de ce modèle de philanthropie. Il crée en 2009, les « Profit for non-profit awards » pour mettre en lumière ces entrepreneurs mécènes de la première heure. Qu’il s’agisse d’Eric Mangin, concepteur de U2Guide (lauréat 2015), site de voyage collaboratif et solidaire, ou Paul Bethke, co-créateur de Lemonaid (lauréat 2016), des limonades éthiques et solidaires, leur histoire personnelle, leur parcours humanitaire et dans l’univers business classique ont forgé chez eux une nouvelle façon de faire commerce. « Le maître mot c’est cohérence. Ces start-uppers portent un regard disruptif, éthique sur leur secteur, la société, le monde qui les entoure. » précise le dirigeant d’Axylia, cabinet de conseil financier en investissement responsable qui verse 1% de son chiffre d’affaires à des associations. Cohérence oblige !

 

2 « Patagonia, une marque engagée pour l’environnement », Carenews, 28/09/15

 

2 questions à Vincent Auriac, dirigeant d’Axylia, cabinet de conseil financier spécialisé dans l’ISR et promoteur du concept d’entreprise altruiste

 
En quoi, selon vous, les start-uppers d’aujourd’hui réinventent le mécénat ?

Ils ajoutent au mécénat une triple exigence : immédiateté, action et impact. Immédiateté car ils sont désireux, avant même de gagner de l’argent, de partager la richesse économique pour corriger les effets négatifs qui touchent notre société. Leurs parents avaient une vision distanciée : « quand je revendrai mon affaire, après avoir très bien réussi, je mettrai 10% de mes gains dans une fondation ». La nouvelle génération prend 40 ans d’avance. Action car ils considèrent que tout le monde peut agir quelle que soit la taille de son entreprise. Impact car en liant la réussite potentielle de l’entreprise à la résolution de problèmes tels que la pollution ou les maladies infectieuses, ils maximisent les chances d’y arriver. En moins de 20 ans, Salesforce, une entreprise au succès incroyable, a donné 170 millions de dollars avec son modèle « 1-1-1 ».

 

Comment voyez-vous ce mouvement se développer dans les années à venir ?

Le nombre d’entreprises altruistes devrait connaître un très fort développement pour deux raisons. Primo, c’est la fin du monde qui prélève sur la Planète sans s’assurer que la génération suivante pourra vivre à l’égal de la précédente. Des milliers entreprises se créent avec l’objectif de participer à ce changement de monde. Secundo, les jeunes générations sont décomplexées et envisagent de créer leur entreprise dès leur entrée dans la vie active. L’entreprise altruiste est à la confluence de ces deux effets. Je suis convaincu que dans dix ans une grande partie des (nouvelles) entreprises pratiqueront une forme d’altruisme.

Leax, ou la générosité dans l’ADN de la marque

Toute jeune entreprise de vêtements écoresponsables et intégralement fabriqués en France, Leax vient de recevoir le prix 2017 de la « start-up altruiste » des Profit for non profit Awards. La parole à Clément Lacour, son fondateur.


 

Créer une entreprise, c’est compliqué. Intégrer la générosité dès le lancement, est-ce que cela n’a pas été un vrai défi ?!

Certes c’est compliqué mais magique de créer une entreprise ! Intégrer la générosité dès l’origine était intrinsèque au projet. Nous l’avons immédiatement inscrite dans notre ADN de marque et d’entreprise. Nous voulions faire un peu plus, et donner l’opportunité à nos clients de contribuer à une cause importante sans avoir besoin de faire quoi que ce soit.

 

Startupper et mécène, pourquoi ?

Nous voyons tous les jours des mauvaises nouvelles, des drames dans le monde. Devenir un entrepreneur altruiste, c’était aussi la volonté de mettre de l’optimisme dans mon projet professionnel et le communiquer autour de moi. A mon sens, nous sommes la génération qui DOIT faire les choses différemment pour que le monde change vraiment. Nous devons être ACTEURS et non spectateurs.

 

Comment avez-vous choisi vos engagements ?

Le ramassage de déchets en montagne est venu tout naturellement parce que je suis un amoureux de montagne et je souhaitais apporter ma pierre dans la protection de cet environnement si beau. Nous apportons donc notre (petite) aide financière à l’association Mountain Riders. Nous essayons de communiquer sur cette association qui réalise énormément de beaux projets pour le développement durable en montagne en France. Et nous sommes devenus récemment membres de 1% pour la Planète dans la continuité de notre engagement et pour lui donner de la visibilité.

 
Se réunir entre plusieurs entreprises pour faire du « mécénat collectif à impact » est un modèle qui se développe. L’envisagez-vous ?

C’est un modèle qui nous tente beaucoup ! A faire avec des entreprises ou marques que nous connaissons bien. Cela pourrait créer une émulation encore plus forte et donner plus de poids à notre mécénat.

 

Quels messages avez-vous envie de faire passer auprès de startuppers pour qu’ils se lancent comme vous dès le début dans une démarche altruiste ?

J’aimerais leur dire de penser au futur, que c’est à nous, la nouvelle génération de changer le monde et que cela passe par des actions concrètes en aidant les associations qui font des choses magnifiques, que ce soit pour l’environnement, pour la santé, les enfants, etc…. C’est aux entreprises de participer activement à ce changement. Je pense également que les entrepreneurs seront encore plus fiers d’avoir réussi à développer une entreprise tout en participant à de belles causes pour un monde meilleur.

Article et interviews réalisés par Sylvaine Parriaux

 

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