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Quand le sport fait bouger les lignes du sponsoring et du mécénat !

Expertise

Mécénat et sponsoring sont souvent liés. On s’interroge régulièrement sur les frontières entre les deux. Une autre façon de s’intéresser à cette question d’actualité, est de regarder de plus près les évolutions du sponsoring. Et ça bouge ! De son côté le mécénat prend un nouveau virage dans le mouvement sportif. De quoi avoir le tournis.

« Le sponsoring est aujourd’hui de plus en plus business. On utilise des nouveaux KPI pour qualifier des bases de données consommateurs, l’idée étant d’embarquer une communauté de fans captive à la marque. D’un simple outil d’exposition, le sponsoring devient aussi un véritable outil de marketing relationnel » explique Thibaut Chatelart, Directeur Marketing, Communication et Commercial, de la Ligue Nationale de Rugby. Conforama, qui a mis en place un partenariat 360° avec la Ligue 1, s’inscrit dans cette tendance que j’appellerais le « brand first sponsoring ». Le spécialiste de l’ameublement a apposé son nom à la désormais « Ligue 1 Conforama », joué le naming à tous les niveaux (national, local, digital, médias), multiplié les cibles et les actions d’activation (opération en magasin, merchandising, animation sur les réseaux sociaux…). Il a aussi fait preuve d’originalité en installant des canapés en bord de terrain pour que des fans assistent aux matchs assis confortablement et au premier rang ! Résultat, un supporter sur deux pense à la marque quand il pense ameublement. Efficace ! Le sponsoring plus traditionnel qui vise « simplement » deux objectifs de communication fondamentaux, notoriété renforcée et image attractive, s’inscrit également dans cette logique très commerciale. Ce dernier est naturellement le fait d’entreprises au rayonnement local.

 

Si le sport s’oriente de plus en plus dans une logique de marché, selon Jean-Luc Sadik, président de TPS Conseil, son utilité sociale est aussi davantage exploitée par les marques. Cela peut expliquer « le développement plus récent d’un sponsoring servant des enjeux business tout en étant porteur de sens, responsable et engagé » analyse le fondateur des Trophées Sport & Management. Schneider Electric, qui s’est lancé dans une stratégie grand public, s’est intéressé au Marathon de Paris. Son programme d’ampleur, que je mettrais dans une catégorie « brand & impact sponsoring », comporte plusieurs volets : l’un environnemental visant à compenser l’empreinte carbone de la course, l’autre de « cohésion sociale » avec la création d’une équipe de 6000 collaborateurs et 4000 clients suivant une préparation de 8 mois, et enfin, sociétal pour incarner les engagements en faveur de la diversité et de l’inclusion. Différentes actions ont permis une forte participation des femmes et des personnes en situation de handicap. Olivier Collignon, sponsorship programs manager chez Schneider Electric, est fier d’affirmer que « d’un point de vue RP, les retombées liées aux volets RSE (environnement et inclusion) sont plus importantes que celles liées à la visibilité traditionnelle du partenariat. » Un exemple d’actualité est celui d’Arkema, dont les matériaux entrent dans la composition des semelles de chaussures de football, nouvellement sponsor de la Coupe du Monde féminine de 2019. « Cet engagement lui permet d’avoir une résonnance internationale, d’être associé au sport le plus populaire et de prolonger leur stratégie de RSE en matière d’égalité femme homme. Leur objectif est de doubler la part des femmes dans les postes d’encadrement supérieur d’ici 2025, soit 25% » précise Magali Tézenas du Montcel, déléguée générale de Sporsora.

 

La dimension engagée du sponsoring peut aussi venir du partenaire sportif. La Ligue Nationale de Rugby a développé, telle une entreprise classique, une véritable stratégie de RSE. « Le mieux vivre ensemble, la solidarité, la convivialité sont des valeurs fortes de notre sport. Nous devons être vigilant en les préservant au maximum alors que notre sport se développe » explique Thibaut Chatelart. Aujourd’hui, les opérations de sponsoring de la ligue comportent systématiquement des actions en phase avec leur programme de lutte contre les discriminations s’attelant au sexisme et à l’homophobie.  

 

En accentuant la primauté de la logique sociétale, on arrive sur ce que je nommerais le « impact first sponsoring ». Ici l’opération valorise d’abord la cause avant la marque. Le sport est au service d’une cause d’intérêt général, d’un acteur non-profit que les entreprises viennent sponsoriser. La « No Finish Line Paris - by Siemens » fonctionne selon ce principe en y associant celui du produit partage : pour chaque kilomètre parcouru, un euro est reversé par les partenaires aux causes soutenues. La Chaîne de l’Espoir et le Samu Social ont ainsi récolté plus de 136 000 euros lors de la dernière édition de mai. Ce partenariat incluait une forte présence visuelle des sponsors (Siemens, Atos, Macif, et Bio C’Bon) et proportionnelle à leur montant d’engagement, sur tous les supports de communication : le parcours de la course en priorité mais aussi internet et les réseaux sociaux. Sans que cela soit l’objectif premier de la vidéo produite pour l’occasion, elle montre bien la place des sponsors. (A regarder ici)

 

Si les entreprises font évoluer le sponsoring, de son côté, le mouvement sportif - fédérations, ligues, clubs professionnels - fait bouger les lignes du mécénat. Historiquement bénéficiaire de sponsoring, il devient mécène à son tour ! Juste retour des choses, reflet d’un développement économique, symbole d’un engagement sincère ? Réponses à venir dans un prochain article.

 

Sylvaine Parriaux,

Déléguée Générale d'Admical

 
Les spécificités du sponsoring

A l’heure où le « club des #mécénat = niche fiscale » pense que l’impact du mécénat sur l’image de l’entreprise est identique à celui du sponsoring, rappelons quelques spécificités du sponsoring

  • Il sert des objectifs commerciaux et de communication externe (visibilité, notoriété, image) en priorité, parfois de RSE et de communication interne. Il permet de faire découvrir des marques (53% ont déjà découvert une marque par le sport), démultiplie fortement l’impact des posts sur les réseaux sociaux, et fait même aimer la publicité… lorsqu’elle met en scène des athlètes
  • Sa pratique est très liée à des opérations événementielles qui offrent justement la visibilité recherchée. Dans le cas d’événements internationaux, les montants peuvent atteindre des chiffres vertigineux
  • Cela explique que le calcul du ROI marketing, du volume de mentions, la valorisation des retombées presse sont autant d’outils indispensables et eux-mêmes (très) couteux
  • Certains utilisent même l’intelligence artificielle pour relever le défi de la mesure de l’impact sur les ventes, tout particulièrement à l'ère des médias sociaux

 

Les sponsors du tournoi de Wimbledon enregistrent une nette augmentation du nombre de citations, signe de l'efficacité de leurs actions pour gagner en visibilité.

 

On est très loin de cette approche business dans le mécénat, quand bien même il influe positivement sur l’image institutionnelle de l’entreprise. L’enjeu est de mesurer l’impact social des projets soutenus et beaucoup moins, voire pas du tout, celui sur l’image de l’entreprise. L’influence du mécénat sur le chiffre d’affaires de l’entreprise relève plus de la croyance que de la démonstration scientifique.

 

 

 

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