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ODD 17 et entreprises : Entre défis et opportunités

Expertise

Adoptés en septembre 2015 par l’ONU afin de poursuivre les Objectifs du Millénaires (2000-2015), les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux (détaillées en 169 cibles) que les États s’engagent à atteindre pour 2030. Les objectifs fixés sont extrêmement variés et concernent des domaines tels que la lutte contre la pauvreté et la faim, réduction de toutes les inégalités ou protection des écosystèmes marins et terrestres.

I.Des ODD générateurs d’opportunités

Pour remplir les objectifs fixés par l’agenda 2030 ces ODD doivent être :

  • universels et concerner autant les pays du Nord que du Sud,
  • indivisibles, afin que l’accomplissement d’un objectif ne se fasse pas au détriment d’un autre
  • inclusifs car ils concernent tous les acteurs, chacun d’entre eux pouvant avoir un impact positif ou négatif sur la bonne réalisation des ODD.

Les entreprises sont explicitement appelées à utiliser leur créativité et leur capacité d’innovation pour répondre aux défis du développement durable. Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres a ainsi déclaré au Forum économique de Davos de janvier 2017 “ Sans le secteur privé, nous n’aurons pas l’innovation nécessaire, nous n’aurons pas la capacité nécessaire pour découvrir de nouveaux marchés, de nouveaux produits, de nouveaux services, et pour pouvoir développer de nouveaux secteurs dans l’économie”.

          Les objectifs de développement durable offrent également aux entreprises qui s’y investissent, un certain nombre d’opportunités économiques. Selon les estimations de la Business and Sustainable Development Commission, l’engagement en faveur de la réalisation des ODD pourrait générer, à l’horizon 2030, des débouchés commerciaux à hauteur de 12 000 milliards USD.

          Les ODD en identifiant les défis sociétaux de la décennie à venir, fournissent aux acteurs du secteur privé un cadre stratégique stable et systémique d’action de moyen terme. Ce cadre bénéficiant de l’universalité des Objectifs de développement durables, il offre aux entreprises un langage et un cadre d’action communs qui leur permettra de se coordonner plus efficacement. Pour 70% des PDG interrogés, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 offre une occasion unique de repenser et de mettre au banc d’essai différentes stratégies de durabilité[i].

Au-delà de la création de nouveaux marchés, l’accomplissement de ces objectifs peut constituer pour les entreprises un important levier de fidélisation de sa clientèle. En effet, selon une étude publiée en 2015 par Nielsen Media Research, 66 % des consommateurs se disent prêts à dépenser plus pour une marque plus responsable. Plus que la clientèle, l’investissement d’une entreprise au service du développement durable, va lui permettre de fidéliser ses talents. Selon Alain Pons, président de Deloitte France, « Deux tiers des membres de la génération Y expriment leur volonté de quitter leur entreprise d'ici 2020, et 44 % dans les deux prochaines années.”. Cette affirmation est confirmée par le Baromètre IPSOS-CGE-BCG « Talents, ce qu’ils veulent vraiment dans leur travail » publié en 2018. Cette étude nous apprend notamment que pour 72% des étudiants interrogés, le fait d’être en phase avec les valeurs de l’entreprise est un critère déterminant dans le choix d’un futur poste. A l’inverse seul 46% des étudiants considère la rémunération comme déterminante dans ce choix. 

Selon une étude menée par B&L évolution en 2019 auprès des entreprises du SBF 120 (les 120 plus grandes entreprises françaises), les ODD sont également un enjeu pris en compte par les investisseurs et les agences de notations financières. En effet, plus de 70% des entreprises interrogées, affirment s’investir dans les ODD afin de se conformer à la demande des investisseurs et/ou des Agences de notation.

II.Le SDG compass : boussole de l’engagement des entreprises

Le SDG compass est un guide crée par le GRI, le U.N Global Compact et le WBCSD dans le but d’accompagner les entreprises dans leur démarche en faveur du développement durable.

Selon le SDG, l’appropriation des ODD par une entreprise se fait en 5 étapes :

  • Les entreprises doivent comprendre et se familiariser avec les ODD
  • Elles pourront ensuite définir leurs priorités en fonction de leur impact actuel et des opportunités que cela représente
  • Une fois ces priorités dégagées, elles pourront définir les objectifs à atteindre dans ces domaines
  • Afin d’atteindre ses objectifs, les entreprises devront prendre en compte la question de la durabilité et l’intégrer dans leur processus de gouvernance
  • Pour finir, elles intègreront les chiffres de leur engagement à leur reporting.

Ce reporting des résultats permettra à l’entreprise d’identifier de nouvelles priorités, le tout formant un cercle vertueux vers un engagement de plus en plus efficient.

III.Les ODD un rendez-vous déjà manqué ? 

          Si les grandes entreprises semblent avoir compris les opportunités et les enjeux des ODD, puisque 68% des entreprises du SBF 120 les ont intégrés à leur communication, cette appropriation demeurent pour le moment fortement imparfaite. C’est ce que souligne l’étude organisé en 2019 par Novethic, le groupe Caisse des dépôts et B&L évolutions. Cette étude intitulée “Objectifs de développement durable : Un rendez-vous manqué entre entreprises et investisseurs” met en exergue plusieurs limites à cette appropriation des ODD par les entreprises.

          Paradoxalement si l’accomplissement des ODD devait se faire selon des principes d’inclusion et d’indivisibilité, ce sont ces mêmes principes qui aujourd’hui constituent les principaux freins. Ils sont en effet dans la pratique très peu respectés. Concernant l’indivisibilité, l’étude nous révèle que si les ODD relatifs à l’emploi décent et à la lutte contre le réchauffement climatique sont bien identifiés par les entreprises (respectivement 79 et 76%) ceux relatifs au respect de la vie aquatique et à la lutte contre la faim le sont nettement moins (respectivement 14 et 20%). Le principe d’inclusion ne semble pas davantage respecté. Si celui-ci consacrait l’importance d’impliquer tous les acteurs, en pratique les ODD semblent au contraire devenues la chasse gardée des services RSE (80% à les utiliser) au détriment du Conseil d’administration, des dirigeants et des collaborateurs (moins de 20%).

          Pour finir, il est important de souligner que 67% des entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 100 milliards d’euros se mobilisent en faveur des ODD par le biais de projet de mécénat ou de partenariat. Dans un contexte où l’on craint que l’Agenda 2030 ne devienne un rendez-vous manqué, le “coup de rabot” infligé au mécénat des grandes entreprises pourrait bien être un coup dur pour la France qui était en 2019 le 4e pays en matière de développement durable[ii].

 

Jefferson Ranson

 


i The United Nations Global Compact et Accenture Strategy, The decade to deliver a call to business action

ii Réseau des Nations-Unies de Solutions pour le Développement Durable (SDSN), Sustainable Development Report 2019

 

 

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