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L’Enseignement supérieur et la Recherche : futurs chevaux de bataille des entreprises mécènes en France ?

Expertise

La Fondation de Polytechnique a choisi trois axes de développement : l'enseignement et la recherche, l'entrepreneuriat et l'innovation ainsi que le rayonnement de l'école.
A l’instar des causes du Bien Vieillir ou du Handicap mental par exemple, l’Enseignement supérieur et la Recherche ne sont pas les domaines qui ont le plus le vent en poupe chez les entreprises mécènes. En effet, en France, elles préfèrent souvent s’investir dans d’autres champs, plus large et « grand public », comme le social, l’éducation, la culture ou le sport. Mais pour quelles raisons ? S’agit-il ici d’un réel choix de leur part, d’une simple méconnaissance des projets existants, ou de notre héritage culturel? Au contraire des nord-américains, le financement de l’Enseignement supérieur par le privé ne fait effectivement pas encore pleinement partie de notre « culture ». Au vu des besoins grandissants, des budgets stagnants, et de la multiplication des acteurs et des projets, il est peut-être nécessaire que cela change !

Le phénomène est bien plus ancien chez nos voisins transatlantiques : les grandes écoles, universités et centres de recherche comme Harvard, Yale, Stanford, Princeton ou le MIT pour ne citer qu’eux, font appel à la générosité des publics et des entreprises depuis bien longtemps. En France, cela est relativement nouveau, et s’explique surtout par notre héritage culturel : le financement de l’Enseignement supérieur et de la Recherche fut chasse gardée de l’Etat et d’Institutions publiques et semi-publiques depuis tout temps. Le choix de vouloir offrir une université indépendante et gratuite pour tous n’est forcément pas étranger à cela. Les mentalités sont cependant en train de changer. Non pas sur l’autonomie et la gratuité de ces établissements, mais bien sur leur capacité à collecter ailleurs que dans les poches de l’Etat. Pourquoi ? La raison est simple : entre les budgets stagnants, voire décroissants, et les besoins qui grandissent, il est devenu primordial pour nos écoles et universités de diversifier leurs financements, et d’aller chercher les ressources là ou elles se trouvent : dans le privé. Le mécénat apparaît alors comme le meilleur des outils.

Les grandes écoles d’ingénieurs et de commerce par exemple, s’y sont lancées il y a quelques années déjà. La Fondation MINES ParisTech par exemple, créée en 1946, fut l’un des précurseurs en France. Son rôle : partager et soutenir les ambitions de l’école pour en faire une référence dans le monde de l’enseignement et de la recherche sur la scène internationale. D’autres plus récentes, comme la Fondation de Polytechnique (qui est une école d’élites certes, mais gratuite) lancée en 1987, fut directement créée à l’initiative de 20 grandes entreprises françaises, avec l’aide de l’Association des anciens élèves et diplômés de l’Ecole. La Fondation HEC est quant à elle née en 1972, et reconnue d’utilité publique depuis 1973, alors que l’EDHEC Business School a lancé sa première campagne en 1998 et s’est créé un Fonds de Dotation en 2016. Les résultats sont à la hauteur des espérances pour l’école de commerce basée à Lille : 3M€ collectés par an, plus de 80 entreprises partenaires et 2.500 donateurs individuels.

Il apparaît logique que ce soit les écoles de commerce et d’ingénieur qui se soient lancées les premières dans la démarche : après tout, ces dernières prédestinent leurs étudiants à des carrières en grandes entreprises, elles connaissent très bien cet écosystème et s’en sont naturellement rapprochées. Au vu de leur résultat de collecte ces dernières années, elles commencent évidemment à en inspirer d’autres : des établissements publics, ou des écoles privés moins réputées et avec moins de ressources, non spécialisés dans le secteur du commerce ou de l’économie. Aujourd’hui en effet, de nombreux établissements, et notamment des universités publiques, s’équipent pour diversifier leurs ressources et partent à la recherche de mécénat. Nous pourrions citer de très nombreuses fondations d’universités et d’écoles (la Fondation de l’ENS, les Fondations Paris-Descartes, Paris-Nanterre ou Paris-Sud Université pour ne rester que dans la capitale), mais aussi des groupements d’écoles comme le Groupe ICAM, ou la Haute école des arts du Rhin par exemple. Souvent inexpérimentées à leur lancement, elles avancent à tâtons, et sont nombreuses à venir toquer à la porte d’Admical pour demander conseils et formations. Certaines sont cependant devenues de vrais pros.

 

Des partenariats ambitieux souvent méconnus

Certains de ces partenariats entre Fondations d’Universités et entreprises valent vraiment le détour. Celui entre AXA et La Fondation Université de Strasbourg pour la création d’une Chaire en chimie supramoléculaire, inaugurée en 2013, est un exemple à suivre. L’assureur a fait un don de 2,25 millions d’euros à l’Université pour la création de cette Chaire, qui n’aurait jamais vu le jour sans l’apport de l’entreprise mécène. Ce partenariat s’intégrait dans une collecte de fonds menées de mains de maitre par l’équipe de la Fondation : entre 2010 et 2014, elle a collecté plus de 22,5 millions d’euros de dons ! L’objectif de la collecte : contribuer au développement et à l’excellence de l’Université de Strasbourg et des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ; accroître le rayonnement de l’Université et des Hôpitaux en renforçant leur attractivité et en développant de nouveaux programmes de recherche, de formations et de soin innovants ; et améliorer l’accueil des étudiants, patients, chercheurs, médecins et personnels.

D’autres plus récents peuvent être également cités : la Fondation UPVD et la Banque Populaire du Sud pour la création d’une Chaire Numérique à l’Université de Perpignan en 2014; le mécénat entre la Fondation Mines Telecom et Airbus, reconduits à la fois en 2015 et en 2018 pour une durée de trois ans à chaque fois, afin de développer et renforcer les liens entre l’entreprise, les laboratoires de recherche de l’école IMT, ses incubateurs et ses campus ; la Fondation du Collège de France et le groupe Emerige avec un programme éducatif exceptionnel qui permet à de jeunes lycéens issus des quartiers prioritaires de découvrir le Collège de France ; la Fondation Ecole Centrale de Paris et Bouygues et la Fondation d’entreprise Michelin pour la construction du nouveau campus de l’école sur le plateau de Saclay…etc. Les exemples sont légions.

 

De nombreux avantages pour les mécènes…petits et grands !

Au-delà du rayonnement et du prestige que peut bénéficier une entreprise à s’associer avec une école de renom ou une grande université, il est clair que d’autres avantages découlent de ce type de partenariat pour le mécène: la construction d’une image d’entreprise engagée auprès du secteur et des jeunes étudiants, élites de demain et amenés à rejoindre bientôt le marché du travail, de nombreux avantages RH (recrutement, alternance, événement école/entreprise, forum de rencontre, formations et apprentissage pour ses propres équipes, séminaires, bootcamp…etc), mais aussi beaucoup d’opportunités business. Toutes ces choses sont également valables pour des entreprises plus modestes que toutes celles citées dans cet article, des mécènes à plus petites bourses basés en région. Soutenir un pôle universitaire ou une école d’enseignement supérieur de sa ville ou de sa région, c’est aussi, pour les TPE et les PME locales, pleinement participer au développement de son territoire, à la richesse et l’attractivité de ce dernier, et se positionner comme un acteur important qui contribue à la formation des talents de demain. Il y a peut-être quelque chose de stratégique à soutenir une université ou une grande école…mais ce qui est certain, c’est qu’il y a assurément quelque chose de visionnaire !

 

Léo Gaudin

Retrouvez sur le même thème :

« La Recherche, domaine mal-aimé du mécénat ? », par Margot Pabst

« Mécénat et Recherche, ensemble pour l’avenir », par Marc Fontecave, chimiste et professeur au Collège de France

 

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