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Engager les collaborateurs dans le mécénat d’entreprise

Expertise

©Reuters
De plus en plus d’entreprises mécènes développent des programmes permettant à leurs collaborateurs de prendre activement part à leur politique d’engagement. Les salariés peuvent alors faire des dons financiers à des structures qui travaillent pour l’intérêt général, voire même s’impliquer en donnant de leur temps et de leurs compétences. Pourquoi les entreprises accordent-elles davantage d’attention à cette appétence de leurs salariés pour l’engagement ? Et comment font-elles pour articuler cette appétence avec la stratégie qui sous-tend leur programme d’engagement ?

En France, les entreprises mécènes sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus généreuses, comme l’a montré le dernier Baromètre du mécénat d’entreprise d’Admical. Le mécénat est aussi particulièrement développé dans les grandes entreprises, notamment celles qui opèrent dans d’autres pays : ce caractère multinational ne freine pas le développement de politiques d’engagement, bien au contraire. On peut citer l’exemple de L’Oréal qui organise sa journée de solidarité, le Citizen Day, dans plus de 60 pays ce qui lui permet d’impliquer plus de 25 000 collaborateurs.

 

Des programmes d’engagement variés pour satisfaire les envies des collaborateurs

On peut également observer que les politiques d’engagement des entreprises sont de plus en plus variées, et qu’elles comprennent tout un dispositif d’actions possibles, qui  non seulement sollicitent l’entreprise en tant que personne morale, mais également ses collaborateurs qui prennent désormais une part active dans ses actions. Le Panorama des fondations et fonds de dotation créés par des entreprises mécènes, réalisé en 2016 par EY et Les entreprises pour la cité, montre que sur les 70 fondations et fonds de dotation qui ont répondu à l’enquête, 68% proposent à leurs collaborateurs de s’impliquer dans des actions de solidarité.

 

Les actions proposées sont conçues pour répondre aux envies et aux contraintes des salariés :

  • Pour ceux qui n’ont pas beaucoup de temps mais qui sont prêts à s’investir dans une action de solidarité, les dons financiers ou matériels, voire le crowdfunding ou l’arrondi sur salaire, sont désormais répandus et nécessitent peu de temps pour les salariés, tout en permettant d’avoir un impact positif sur une association. La Fondation Accenture permet ainsi aux salariés du groupe, partout dans le monde, de faire un don financier prélevé sur leur salaire ou d’effectuer un micro-prêt (à partir de 20 euros) pour soutenir des micro-entrepreneurs.

 

  • Les salariés qui souhaitent s’impliquer de manière plus concrète, mais dont le temps disponible est limité, peuvent aussi participer à des actions type journées de solidarité ou à des actions de mécénat de compétences très ponctuelles. Ce type d’action convient aussi bien à ceux qui ne souhaitent pas utiliser leurs compétences professionnelles ou qui sont à la recherche d’une action de terrain, concrète, qu’à ceux qui cherchent à mettre à disposition leurs compétences pour l’intérêt général. Un exemple parlant de journée de solidarité est proposé par L’Oréal avec le Citizen Day, une journée d’engagement proposée aux salariés du groupe pour apporter un soutien sur le terrain aux associations sélectionnées pour les causes qu’elles défendent, en lien avec les axes définis par l’entreprise. Pour des actions ponctuelles  qui sollicitent plutôt les compétences métiers des collaborateurs, on peut citer le format Marathon Probono, développé par Pro Bono Lab et qui a été testé et approuvé dans de nombreuses entreprises comme Société Générale, Crédit Agricole ou encore PwC. Il s’agit d’une journée de travail au cours de laquelle une équipe de salariés apporte son aide à une organisation à finalité sociale sur une problématique précise et cadrée en amont.

 

  • Enfin, des programmes de long-terme peuvent également être proposés aux salariés des entreprises. Des actions de solidarité sont proposées aux collaborateurs, sur leur temps de travail ou non. Depuis 2012, les salariés en fin de carrière chez Orange peuvent accorder une partie de leur temps de travail à des associations ou des ONG partenaires. Et à la Banque postale, les salariés sont encouragés à faire du bénévolat de compétences sur leur temps libre, grâce à un programme d’engagement qui leur permet d’animer des ateliers budgétaires et financiers pour des publics fragiles, de parrainer ou de soutenir la création de micro-entreprises.

 

Le choix de l’engagement : une richesse pour l’entreprise et les salariés

68% des fondations et fonds de dotation interrogés via le Panorama d’EY et Les entreprises pour la cité déclarent que leur action est liée ou intégrée à la stratégie de l’entreprise à laquelle ils sont rattachés. Mais pourquoi les entreprises feraient-elles tant d’efforts pour s’adapter aux contraintes et aux envies de leurs salariés, alors que c’est prendre le risque de dévier de la stratégie qui a été établie pour leur politique d’engagement ?

D’abord et peut-être surtout parce que l’engagement citoyen serait moins crédible sans la participation des salariés, et que plus ces derniers peuvent participer à la politique d’engagement de leur entreprise, plus celle-ci apparaît comme légitime.

Ensuite, parce que l’implication des salariés a de grands avantages pour l’entreprise, notamment en termes de :

  • ressources humaines : bien-être au travail, développement des compétences, de la fierté d’appartenance… une politique d’engagement est sans conteste un atout pour recruter et fidéliser les salariés
  • image : les salariés impliqués dans le programme d’engagement de l’entreprise deviennent peu à peu des ambassadeurs qui valorisent l’entreprise
  • ancrage territorial : les politiques d’engagement des entreprises permettent d’aller à la rencontre des acteurs de la solidarité sur leur territoire, et faire participer leurs salariés est un atout
  • innovation : en recherchant des formats nouveaux pour engager ses salariés, l’entreprise se place dans une dynamique positive

 

Il est clair que proposer un panel d’actions suffisamment large permet de satisfaire la plupart des envies d’engagement, tout en restant en ligne avec la stratégie d’engagement définie par l’entreprise. Les politiques d’engagement deviennent aussi de plus en plus attractives et attirent des salariés qui s’insèrent dans le dispositif, y trouvant un format qui correspond à leurs envies et contraintes.

Restent encore des marges d’amélioration, comme permettre à des salariés déjà impliqués dans des associations de proposer celles-ci comme bénéficiaires du programme d’engagement de leur entreprise. Et comme les politiques d’engagement dépassent maintenant les frontières, les entreprises cherchent à garder une cohérence dans les actions d’engagement proposées dans les pays où elles sont implantées, ce qui peut se révéler difficile au vu des cultures de travail différentes. 

Malgré ces ajustements qui restent à faire, cette évolution des politiques d’engagement des entreprises est très positive puisqu’elle permet de faire participer les salariés aux actions de mécénat, en leur donnant les moyens d’être des citoyens impliqués dans la vie de leur communauté.

 

Tatiana Heinz,

Responsable de la recherche et des partenariats internationaux chez Pro Bono Lab

 

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