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Démocratie contributive : bâtir une démocratie du "faire ensemble"

Expertise

L'Ecole d'Athène, Raphael
Dans un contexte de délitement de notre idéal démocratique et de défiance croissante envers nos institutions, il faut également prendre la mesure des opportunités de changements ouvertes par cette crise, qui peuvent faire émerger de nouvelles façons de faire ensemble. Ainsi se dessine, au confluent de plusieurs initiatives et pratiques, un modèle démocratique redynamisé, que l’on peut qualifier de « démocratie contributive », qui insiste sur l’idée d’une démocratie d’initiative partagée, portée par une pluralité d’acteurs.

 

Les défis de la démocratie contributive

La notion de démocratie contributive propose d’approfondir la réflexion sur les liens à bâtir entre les pouvoirs publics et l’ensemble des parties prenantes de la démocratie. Au-delà de la participation, dont elle tire ses racines, l’enjeu est d’impliquer toutes les parties prenantes d’un territoire ou d’une problématique, de s’appuyer sur leurs ressources, pour identifier des sujets de préoccupation partagés et y répondre collectivement. Cette terminologie vise à reconnaître la légitimité de la société civile à penser et mettre en action des solutions à ses problèmes.

Chaque acteur, individu ou organisation, tout en étant un maillon de la chaîne, peut agir, en lien avec les autres maillons, et avoir un impact sur son quotidien. Cette implication se doit d’être la plus large possible et de fédérer l’ensemble des acteurs à l’échelle d’un territoire derrière le développement d’un projet.

Cependant, la démocratie contributive, outil de renouveau démocratique, centrée sur l’idée d’action partagée et pluri-acteurs, porte en elle une série de défis et suppose des adaptations.

 

En premier lieu, elle interroge directement la notion d’intérêt général : si l’État et sa puissance régulatrice ne sont plus reconnus comme l’unique garant du contrat social, comment composer une société cohérente et homogène ?

Une autre limite de la démocratie contributive est liée son échelle : pour être effective, elle demande un territoire précis, voire restreint, afin de permettre l’implication – et pas seulement la consultation – de tous. Mais qu’en est-il à une échelle plus importante ? Qui serait en mesure de faire vivre un projet de société qui ne soit pas uniquement l’agrégat de multiples démocraties locales ?

Dans le cas où les acteurs publics ne sont plus seuls décisionnaires, où la responsabilité de la décision est partagée et le rôle des élus repensé, comment s’assurer que les décisions démocratiques ne servent pas l’intérêt de groupes privés ou d’intérêts particuliers, ou encore qu’elles se retrouvent soumises aux injonctions éphémères d’une opinion volatile ?

 

Comment aller vers une démocratie contributive ?

L’accompagnement devient alors un enjeu essentiel, pour s’assurer d’une part que tous puissent prendre part aux instances délibératives, et d’autre part qu’ils disposent de tous les moyens pour assumer pleinement leur rôle.

Ce changement de fonctionnement de la démocratie invite à repenser le rôle des acteurs traditionnels, notamment les élus, en les considérant davantage comme des médiateurs, tout en veillant à ce qu’ils restent les garants des décisions finales. Or ce changement de posture n’est pas simple à opérer, et suppose un changement de mentalité, une formation ainsi qu’un mode opératoire qui exigera beaucoup de temps avant d’être effectif.

Le numérique accompagne cette transition institutionnelle, en permettant notamment la consultation rapide et massive de tous. Il permet de fluidifier l’expression démocratique et de diminuer le nombre d’échelons intermédiaires entre les personnes consultées et les instances décisionnaires. Certaines de ces technologies existent déjà : plateforme de budget participatif, outils de votes en ligne, interpellation politique en ligne etc. Le projet de loi sur la République numérique de 2016 a mobilisé certains d’entre eux[1].

Il ne faut cependant pas se limiter à une réflexion sur les outils. S’ils ne sont pas mis au service d’un projet clairement identifié et partagé, leur puissance transformatrice se réduira à rien, voire peut desservir l’objectif initial. Le numérique doit ainsi faire l’objet d’un accompagnement dans ces démarches, tant pour lutter contre les effets d’exclusion induits par la fracture numérique que pour répondre aux questions de protection des données.

 

 

Il nous appartient donc à tous, acteurs de la société civile, en lien avec les acteurs publics, de construire l’avenir de nos démocraties. Elles doivent se vivre à tous les niveaux de la société afin d’irriguer l’ensemble du corps social. Au-delà de la situation de crise, la notion de démocratie contributive ouvre ainsi la voie à une solution porteuse d’avenir.

 

 

Le comité éditorial de la Tribune Fonda °232 dédiée à la démocratie contributive

Plus d'informations : https://fonda.asso.fr/Decouvrez-le-nouveau-numero-de-La.html


 

 

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