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Comment soutenir les acteurs de l’entreprenariat social ?

Comptes-rendus d’événements

En mai dernier, Admical organisait au CentQuatre-Paris un Lab Juridique et Fiscal autour du thème de l’ESS. Au cœur des discussions, des réflexions pour améliorer les conditions permettant aux mécènes de soutenir le développement de l’entrepreneuriat social.

 

A l’heure où la place de l’entreprise dans la société est questionnée et où la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie des entreprises a été renforcée dans le cadre de l’adoption de la loi PACTE, l’entreprenariat social continue de prouver qu’il est un levier du progrès. L’appétence des mécènes pour ce secteur grandit et cette dynamique doit être encouragée. D’autant qu’en plus de l’engagement humain, l’entreprenariat social exige de mobiliser des ressources financières afin d’apporter des solutions adaptées à des besoins sociaux toujours plus nombreux. Dès lors, comment concilier le dispositif juridique et fiscal du mécénat et l’entreprenariat social ? Peut-on allier performance économique et intérêt général? Quelles sont les règles du jeu en matière de soutien à l’entrepreneuriat social ?

 

Des sources de financement conditionnées par la forme et la finalité des structures de l’entreprenariat social.

Afin d’assurer l’efficacité et la pérennité de leurs actions, les acteurs de l’entreprenariat social doivent pouvoir attirer des ressources financières, tant publiques que privées. Le mécénat d’entreprise est un des moyens qui permet aux organismes d’intérêt général de développer leur capacité d’agir et d’innover. Toutefois, pour être éligible au dispositif juridique et fiscal du mécénat, le bénéficiaire du don doit répondre à un certain nombre de critères posés par l’administration fiscale. En effet, la reconnaissance de l’intérêt général est conditionnée par le caractère non lucratif de l’organisme, le désintéressement de sa gestion et par le fait que ses actions ne profitent pas à un cercle restreint de personnes. Dès lors, cette définition fiscale de l’intérêt général lie la finalité de l’action avec la forme et la finalité de l’organisme qui conduit cette action.

Parce que l’entreprenariat social a pour ambition de réconcilier pérennité économique et impact social, les statuts des entreprises du secteur sont décisifs. En effet, une diversité de statuts juridiques existent et encadrent des paramètres clés de l’entreprise tels que la lucrativité, les principes de gouvernance et l’impact social. L’association d’intérêt général est un statut juridique particulièrement utilisé par les entrepreneurs sociaux. Cette catégorie d’organisme sans but lucratif a la capacité d’émettre des reçus fiscaux et peut donc prétendre au mécénat d’entreprise. En témoigne par exemple Pauline Arnaud-Blanchard, co-fondatrice de H’up entrepreneurs, association qui a pour mission d’accompagner les entrepreneurs en situation de handicap : « nous avons eu la chance d’être soutenus tant sur le plan financier que dans l’accompagnement des projets. Les mécènes se sont révélés être de véritables partenaires ».

D’autres entrepreneurs sociaux choisissent d’opter pour des formes juridiques à lucrativité limitée telles que les coopératives ou les sociétés commerciales, labélisées ou agrémentées. Les entrepreneurs sociaux se heurtent alors à la définition fiscale de l’intérêt général qui s’apprécie en fonction de la nature juridique de la structure et non pas des projets portés par cette dernière. Et c’est là que réside le problème ! L’entrepreneur social qui fait le choix d’une forme juridique à lucrativité limitée, afin de rendre économiquement durable ses actions, ne sera pas éligible au mécénat.

La pluralité des formes juridiques permet aux entrepreneurs sociaux de choisir un cadre juridique en adéquation avec leurs besoins, mais elle ne sont parfois pas adaptées aux projets établis. C’est pour ces raisons que certains entrepreneurs sociaux font le choix de montages juridiques hybrides. Ainsi, en parallèle de l’association d’intérêt général H’up entrepreneurs, TIH Business, entreprise de l’économie sociale et solidaire agréée « Economie Solidaire d’Utilité Sociale » (ESUS), a été créée afin de soutenir le développement commercial des travailleurs indépendants handicapés.

Afin de répondre aux problématiques rencontrées par les entrepreneurs sociaux, le législateur s’est efforcé de donner un cadre juridique à l’entreprenariat social, d’abord avec la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, et plus récemment avec la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. Toutefois, des progrès sont encore à envisager.

 

Des améliorations pour l’avenir ?

Le mécénat contribue largement aux développement des actions menées par les entrepreneurs sociaux, généralement amorcées sous statut juridique associatif. Mais lorsqu’un changement d’échelle s’opère, les entrepreneurs sociaux se trouvent alors confrontés à la difficile combinaison entre intérêt économique et intérêt général. Or, ce changement d’échelle est parfois nécessaire pour construire un modèle durable, ce qui prive ainsi les entrepreneurs sociaux d’une source de financement et d’accompagnement précieuse qu’est le mécénat. Les dispositions juridiques et fiscales existantes ont fait leur preuve. Il semblerait alors préjudiciable de brouiller les repères actuels entre les structures désintéressées, éligibles au mécénat, et celles qui le seraient moins, tout en ayant des actions en faveur du bien commun. Il conviendrait plutôt d’apporter des clarifications, en premier lieu à la définition de l’intérêt général qui existe aujourd’hui uniquement sous un angle fiscal. Les contours de ce concept purement français présente des carences. Il devient alors nécessaire de caractériser juridiquement, plutôt que fiscalement, la notion d’intérêt général. Cette clarification est également indispensable afin de bien distinguer l’intérêt général d’autres notions utilisées et parfois confondues telles que l’utilité sociale, l’utilité publique ou le bien commun.

Par ailleurs, des améliorations relatives à l’article 238 bis 4 du code général des impôts pourraient être envisagées. Cette disposition prévoit un régime particulier pour les organismes agréés qui ont pour objet exclusif de participer, par le versement d’aides financières, à la création, à la reprise ou au développement de petites et moyennes entreprises ou de leur fournir des prestations d’accompagnement. Le législateur pourrait envisager que cette disposition soit également ouverte à l’accompagnement des entreprises de l’économie sociale et solidaire et qu’elle s’applique aux actions de changement d’échelle. Enfin, l’éligibilité au mécénat pourrait être ouverte à des entreprises de l’économie sociale et solidaire agréées ESUS, à la condition que celles-ci aient une gestion désintéressée.

 

Dans tous les cas, en matière d’entreprenariat social, les secteurs lucratif et non lucratif ne doivent pas être opposés, ils sont au contraire complémentaires et se nourrissent mutuellement. Reste alors au législateur à apporter des améliorations aux dispositions déjà existantes et aux entrepreneurs sociaux à faire preuve d’innovation dans leurs modèles économiques. Ainsi pourrait s’opérer un changement de paradigme, et la création d’une richesse économique mais aussi sociale et solidaire deviendrait la norme.

 

Clara Lemonnier

Responsable juridique et affaires publiques

 

 

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