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DOSSIER : Le théâtre, vecteur d’un mécénat culturel vertueux?

Expertise

@Agathe Poupeney
Comme chaque année, la période estivale est marquée par une activité culturelle intense s'exprimant au travers de manifestations aussi nombreuses que différentes. Alors que les festivals s’enchaînent et rythment la saison, nous vous proposons de prendre un peu de recul et de nous concentrer sur l’univers du théâtre au travers de trois articles pour mieux comprendre les difficultés rencontrées par le secteur, les moyens mobilisés pour y répondre et pour mieux envisager l’avenir.

Dans un contexte général de baisse du mécénat culturel, une enquête consacrée au spectacle vivant concluait il y a cinq ans que le théâtre était le parent pauvre du secteur et que les mécènes qui le soutenaient s'intéressaient plus à l'éducation artistique et à l’accompagnement des publics qu'à la création proprement dite.

Cinq ans après, le mécénat culturel a relevé la tête. En 20161, 24% des entreprises mécènes soutenaient la culture et y consacraient environ 500 millions d’euros, soit quelque 15% du budget global du mécénat.

 

Une reprise du mécénat culturel : le spectacle vivant en a-t-il bénéficié ?

Les contraintes qui affectent le théâtre sont tenaces. La langue mais aussi le nombre de places à vendre et celui des représentations font que le théâtre aura toujours moins d’impact qu’une exposition dans un musée.

Qu’ils travaillent dans des théâtres privés ou dans des salles subventionnées, tous les acteurs du secteur s’accordent par ailleurs sur le fait que dans un contexte économique morose, les attentats de 2015 et de 2016 ont aggravé leur situation, entraînant une forte baisse de la fréquentation du public et donc des recettes.

Sans compter qu’à l’occasion d’un changement de leur environnement économique, des entreprises ont pu réorienter leur stratégie et revoir au passage leur politique de mécénat. Avec la fin de certains programmes comme le Fonds d’Expérimentation pour la Jeunesse ou la convention Priorité Jeunesse, Total a ainsi recentré ses soutiens autour de la musique et de l’opéra, abandonnant toute aide à des programmes pédagogiques en faveur du théâtre.

 

Un contexte économique et politique difficile

Déjà affectées par la diminution des subventions publiques, plusieurs salles subventionnées ont relevé les manches pour tenter de contrecarrer la baisse de leurs recettes de billetterie et faire face à des besoins de financement qui, eux, ne diminuent pas.

Pour sa part, Pauline Rouer, directrice du mécénat et du développement de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, constate: « forte de 2013 à 2015, la croissance du mécénat a stagné en 2016, touchée par un contexte politique difficile et un changement de direction. Ces deux facteurs nous ont obligé à rechercher de nouveaux mécènes. 2017 devrait renouer avec la croissance et nous permettre de stabiliser à environ 20% le montant de nos ressources propres, hors subventions, le reste étant apporté par la billetterie, les recettes artistiques des tournées, les concessions et les privatisations ».

Les salles privées ne sont pas restées non plus inactives et certaines ont engagé une réflexion qui a parfois abouti à la création de fondations ou de fonds de dotations pour financer l’aide à de jeunes auteurs, et favoriser l’accessibilité des publics.

Fondée en 2009 dans l’orbite du Théâtre des Variétés, la Fondation Jean-Manuel Bajen a ainsi pour ambition de fédérer des dirigeants d’entreprises, des professions libérales, des comédiens, des auteurs et divers professionnels du spectacle vivant dans le but de découvrir et d’aider de jeunes auteurs et de jeunes comédiens à se produire sur scène et à se professionnaliser.

Institution mythique et quelque peu atypique dans la mesure où elle est un théâtre privé bénéficiant de subventions, le Théâtre des Bouffes du Nord a lui aussi commencé à chercher du mécénat pour soutenir la création et des programmes pédagogiques bien spécifiques.

En relative bonne santé par rapport au théâtre il y a cinq ans, l’opéra a continué sur sa lancée. « Le mécénat de l’Opéra de Paris a beaucoup progressé au cours des trois dernières années, explique Jean-Yves Kaced, directeur commercial et du développement de l’institution. Les recettes de mécénat ont progressé de 30% en 2015 par rapport à 2014. Elles représentaient en 2016 14,5 millions d’euros et devraient atteindre à peu près 16 millions en 2017 ».

Cela reste faible par rapport au budget global de 200 millions d’euros de l’Opéra de Paris qui emploie 1 600 salariés, dont, du côté des artistes, 154 danseurs, 120 musiciens et plus d’une centaine de choristes. Reste que cela représente quand même 40% des coûts de production.

Si la situation n’est pas des plus faciles, les chiffres sont donc là pour indiquer que les acteurs du secteur ne sont pas restés immobiles, certains partant à la conquête de nouveaux mécènes tandis que d’autres inventaient de nouvelles structures pour les séduire ou se tournaient vers de nouveaux horizons.

 

(1)   Chiffres du baromètre du mécénat d’entreprise en France publié par Admical.

Yves Le Goff

 

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